L’affaire de la démission du Chef d’Etat Major des Armées se transforme en affaire d’Etat. Comment en est-on arrivé là ?.. Alors que le président de la République, Emmanuel Macron, et le chef d'état-major des armées, Pierre de Villiers, s'affrontaient publiquement depuis plusieurs jours, ce dernier a annoncé mercredi 19 juillet au matin qu'il renonçait à ses fonctions. Un revers pour le pouvoir en place, qui vient conclure une polémique qui a duré une semaine mais qui a connu des rebondissements chaque jour ou presque.
● 11 juillet: l'exécutif annonce des coupes budgétaires dans la Défense et s'attire les foudres de l'armée
C'est de là que tout est parti. Dans une interview accordée au quotidien « Le Parisien » le mardi 11 juillet, le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé que l'État devrait faire 4,5 milliards d'euros d'économies en 2017... Et qu'il allait devoir couper dans les budgets des ministères pour y parvenir. Sacralisé jusqu'à présent, le budget de la Défense n'a cette fois pas été épargné, puisqu'il a été décidé d'y faire 850 millions d'euros d'économies. La raison de ces coupes sombres : l’engagement pris par Emmanuel Macron vis-à-vis de l’Europe de maintenir le déficit de la France en 2017 en dessous des 3% du PIB. Une promesse faite par la France depuis près de 10 ans et qui n’a jamais été tenue !..
La nouvelle est extrêmement mal reçue par l'armée, et qui pousse le chef d'état-major Pierre de Villiers à s'en plaindre auprès d'Emmanuel Macron dès le Conseil de défense du lendemain 12 juillet. Selon « Le Monde », le général serait ensuite allé encore plus loin lors d'une audition à huis clos devant la commission de Défense de l'Assemblée le 13 juillet. Après avoir mis sa démission en jeu, il aurait déclaré: «Je ne me laisserai pas baiser comme ça!»
● 13 juillet: Macron se pose en chef des armées et recadre sèchement le général de Villiers
Il a voulu faire preuve d'autorité. Alors que l'affrontement qui l'opposait à Pierre de Villiers commençait à se répandre dans la presse, Emmanuel Macron a tenu à recadrer publiquement le général lors du traditionnel discours aux armées du 13 juillet. Le chef de l'État a ainsi rappelé qu'il n'était selon lui «pas digne d'étaler certains débats sur la place publique». «J'ai pris des engagements. Je suis votre chef», a-t-il lancé à son auditoire, réuni pour l'occasion à l'Hôtel de Brienne. S'il n'a jamais directement nommé le chef d'état-major des armées, le président de la République l'a très clairement ciblé à plusieurs reprises. Notamment lorsqu'il a rappelé les militaires à leur «sens du devoir et de la réserve».
Rien d’extraordinaire dans le discours du Président de la République si ce n’est le ton employé, peut être un peu cassant pour affirmer son autorité ? Que ne lui aurait-on pas dit s’il avait fait preuve de faiblesse comme son prédécesseur ?..
● 14 juillet: Macron et Villiers s'affichent ensemble lors du défilé... Mais les tensions repartent le soir même
On a d'abord cru à un apaisement. Lors du défilé du 14 juillet, le chef des armées, Emmanuel Macron, et le chef d'état-major des armées, Pierre de Villiers, se sont affiché côte à côté sur un char pendant la remontée des Champs-Élysées. Souriants, les deux hommes semblaient avoir oublié leur passe d'armes de la veille. Pourtant, le soir même, le général a décidé d'en remettre une couche en publiant un message au vitriol sur Facebook. «Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d'être aveuglément suivi», a-t-il asséné à l'endroit du président, sans toutefois jamais le citer. «La confiance est une vertu vivante. Elle a besoin de gages. Elle doit être nourrie jour après jour, pour faire naître l'obéissance active, là où l'adhésion l'emporte sur la contrainte», écrit-il encore dans un post intitulé «Confiance».
● 16 juillet: pour la première fois, Emmanuel Macron évoque publiquement la démission de Pierre de Villiers
Passablement remonté par le feuilletonnage de l'épisode Villiers, Emmanuel Macron a décidé de sortir du silence pour évoquer nommément le cas du général. «La République ne marche pas comme cela. Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major des armées change», a lâché le président de la République dans les colonnes du Journal du dimanche le 16 juillet. Rappelant qu'il avait lui-même reconduit Pierre de Villiers dans ses fonctions le 1er juillet dernier, Emmanuel Macron a ensuite ajouté: «Il a donc toute ma confiance», à condition de «savoir quelle est la chaîne hiérarchique et comment elle fonctionne, dans la République comme dans l'Armée». Une manière de ne pas insulter l'avenir, même si les échanges des jours précédents ont rendu la cohabitation entre les deux hommes quasi-intenable.
● 19 juillet: Pierre de Villiers met un terme à la polémique en annonçant qu'il démissionne de ses fonctions
Suite et fin. Alors que l'agenda officiel d'Emmanuel Macron indiquait qu'un entretien était prévu vendredi 21 juillet à 18 heures avec Pierre de Villiers à l'Élysée, le général a finalement décidé de prendre les devants. Dans un communiqué transmis mercredi 19 juillet au matin à l'AFP, le chef d'état-major des armées a annoncé qu'il avait «pris (ses) responsabilités» en présentant sa démission au chef de l'État français, qui l'a acceptée. Le militaire considère notamment «ne plus être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel (il) croit pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd'hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays». «Dans le plus strict respect de la loyauté, qui n'a jamais cessé d'être le fondement de ma relation avec l'autorité politique et la représentation nationale, j'ai estimé qu'il était de mon devoir de leur faire part de mes réserves, à plusieurs reprises, à huis clos, en toute transparence et vérité», ajoute-t-il.
21 juillet : Epilogue
Alors que le chef de l'État, en visite hier sur la base aérienne de dissuasion nucléaire d'Istres, essayait tant bien que mal d'apaiser l'ire des militaires, après la démission du général Pierre de Villiers du poste de chef d'état-major des armées (cema), le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner n'a pas mâché ses mots, dans des déclarations au quotidien « Le Figaro » du 21 juillet
«Le chef d'état-major a été déloyal dans sa communication, il a mis en scène sa démission», déplore Castaner. Manifestement, la lettre d'adieu du général sur Facebook, ainsi que la teneur de son communiqué de départ, n'ont pas été appréciés. L'exécutif avait demandé au général de patienter en silence pendant deux jours avant de rendre public sa décision, afin de lui trouver un remplaçant. Le nom de François Lecointre a été officialisé le mercredi 19 juillet, en conseil des ministres.
«Le départ de Pierre de Villiers n'a rien à voir avec son audition par la commission de la Défense, le 12 juillet, même si Pierre de Villiers aurait pu s'imaginer que ses propos allaient fuiter, à moins de manquer d'expérience», a confié le porte-parole du gouvernement. Et d'ajouter: «C'est son comportement qui a été inacceptable. On n'a jamais vu un chef d'état-major s'exprimer via un blog, ou faire du off avec des journalistes ou interpeller les candidats pendant la présidentielle, comme cela a été le cas. Il s'est comporté en poète revendicatif. On aurait aimé entendre sa vision stratégique et capacitaire plus que ses commentaires budgétaires». Christophe Castaner évoque également «la confiance réciproque» qui a fait défaut dans la relation entre l'ancien Cema et le président de la République.
Après ces échanges « musclés » Emmanuel Macron, comme l’ensemble de l’exécutif aura du mal à retrouver la confiance des militaires