Le projet de loi de moralisation de la vie politique a été largement adopté par l’Assemblée nationale le 29 juillet dernier. Ce projet était une des mesures emblématiques proposées par le candidat Macron et aussi la première réforme importante débattue au parlement. Certains auraient voulu aller plus loin, la majorité souhaitait aller vite car d’autres projets importants vont arriver devant les Assemblées. Un pas a été fait dans la bonne direction même si, il est vrai, la loi n’est toujours pas parfaite !..
Un débat fructueux mais parfois chaotique
Au terme d’une semaine marquée par près de cinquante heures de débat et l’examen de plus de 800 amendements, les députés ont adopté, dans la nuit du vendredi 28 au samedi 29 juillet, le projet de loi ordinaire visant à restaurer « la confiance dans la vie politique » par 319 voix contre 4, puis le projet organique, avec 203 voix contre 37.
A l’annonce des résultats du vote, la ministre de la justice Nicole Belloubet a salué « un grand acte de confiance sur lequel le gouvernement pourra s’appuyer ». Au nom de La République en marche (LRM), Paula Forteza, qui a affirmé que « malgré de nombreuses tentatives de déstabilisation, [les] objectifs [du groupe avaient] été atteints », a vanté une « étape cruciale du renouveau démocratique ».
Les résultats du vote
LRM et MoDem ont majoritairement voté pour. S’ils ont aussi voté oui, les « constructifs » (groupe de députés de droite et de centre) ont fait part de leurs réserves. Michel Zumkeller (UDI) a exprimé un « vrai sentiment d’inachevé », mentionnant « de bonnes mesures mais des lois d’ajustement de circonstances ». La socialiste Cécile Untermaier a, quant à elle, parlé de « rendez-vous manqué ».
Les députés Les Républicains (LR) regrettent, de leur côté, une « stigmatisation » des parlementaires (36 pour, 11 abstentions, 4 contre, dont le président Christian Jacob). Les élus de La France insoumise (LFI), du Parti communiste français (PCF) et du Front national (FN) se sont abstenus. Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de LFI, admet les « turpitudes de quelques parlementaires » mais considère que, en résumant à cet aspect « la crise politique, on ne s’intéresse pas au poids de l’argent ». Le communiste Fabien Roussel a pointé les limites d’une loi qui ne restaurera pas la confiance des Français dans leurs élus « si les injustices et inégalités perdurent ».
La semaine a été marquée par les tensions et les mises à l’épreuve de présidents de séance novices. « Tous les groupes d’opposition ont voulu tester notre capacité de résistance », estime Aurore Bergé, porte-parole LRM.
Les principales dispositions du texte voté par l’Assemblée nationale :
** Interdiction pour les parlementaires, les ministres et les exécutifs locaux d’embaucher un membre de leur famille comme collaborateur.
** Suppression de la réserve parlementaire et de la réserve ministérielle.
La suppression de la réserve parlementaire a été entérinée, non sans opposition. Souvent critiquée comme une pratique « clientéliste », cette réserve d’environ 130 millions d’euros par an allouée aux députés et sénateurs pour des subventions a été dépeinte comme un moyen « contrôlé » de soutenir collectivités et associations.
** Transformation de l’indemnité représentative de frais de mandat. Le mode d’encadrement et des modalités de contrôle seront déterminés par les bureaux de l’Assemblée et du Sénat.
Un système de remboursement en frais réels, sur présentation de factures, sera mis en place pour les parlementaires. Les assemblées contrôleront ces dépenses. Actuellement les députés perçoivent une indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), d'un montant de 5.840 euros brut mensuels qui ne fait l'objet d'aucun contrôle.
** Instauration d’une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité en cas de crimes ou de manquements à la probité applicable à l’ensemble des élections.
** Création d’une « banque de la démocratie » et d’un « médiateur du crédit » pour faciliter le dialogue entre banques, candidats et partis.
** Création de « registres publics » de « déports » pour les parlementaires en situation de conflits d’intérêts sur des textes ou des votes, et estimant devoir se mettre en retrait.
Cette vaste réforme qui passe par une loi organique et une loi ordinaire votées au Parlement cet été sera complétée part une révision constitutionnelle - à la rentrée de septembre. Rebaptisé projet « pour la confiance dans notre vie démocratique », il s'articulera autour d'une vingtaine de mesures.
Jean-Pierre ECHAVIDRE