LE BIGNON : MARS 1749
Malgré les humeurs de Geneviève de Vassan qui, au fil du temps, devient de plus en plus violente et dont le caractère est maintenant franchement exécrable, le marquis continue ses assauts. Si bien qu'à la fin de l'année 1748, madame de Mirabeau est à nouveau enceinte.
Le 9 Mars 1749, elle accouche, péniblement, d'un fils. Le nouveau né est pourvu d'une tête énorme ce qui suffit à expliquer les difficultés éprouvées par sa mère pour le mettre au monde. A peine lui a-t-on prodigué les premiers soins accordés habituellement aux nourrissons qu'on s'aperçoit qu'il a également un pied tordu et la langue enchaînée par le filet. Par contre, il est d'une vigueur tout à fait exceptionnelle. Il a même deux grandes dents déjà formées; comme le grand Roi Louis XIV !..
Le jeune garçon est baptisé le 16 mars suivant : on le prénomme Gabriel-Honoré. Auprès du jeune comte Gabriel-Honoré de Mirabeau se pressent, ce jour-là au château du Bignon, trois personnes qui auront, pour au moins deux d'entre elles, une influence déterminante sur le cours de sa vie. Une femme : sa grand-mère, Mme de Castelanne, veuve du marquis Jean-Antoine, le redoutable « Col d'Argent ». Deux hommes : le père du jeune comte, le marquis Victor de Mirabeau et le frère cadet de ce dernier, le Bailli de Mirabeau. Ces deux hommes vont entreprendre, chacun à leur manière, l'éducation de l'héritier de la famille. Le père et l’oncle du jeune comte vont se rapprocher très sensiblement au cours de la longue période qui va suivre avec un seul objectif, que peut-être ils ne se sont même pas avoués l'un à l'autre : faire de cet enfant mâle qui vient de naître l'orgueil des Mirabeau. Il s'agit pour eux de mettre tout en oeuvre pour améliorer la race !...
Durant les premières années de l'enfance de Gabriel-Honoré, le père et l'oncle ne vont guère éprouver beaucoup de satisfactions. Si les Mirabeau avaient été remarqués, jusqu'à présent, par leur beauté physique, le dernier né de la famille n'a pas hérité de ses ancêtres les traits fins et réguliers qui faisaient une bonne part de leur charme. Et, comble de malchance, à l'âge de trois ans Gabriel-Honoré est atteint d'une petite vérole que sa mère ne parvient pas à soigner correctement. Les profondes cicatrices laissées par la maladie sur le visage de l'enfant vont l'enlaidir encore un peu plus. « Ton neveu est laid comme le fils de Satan » (1) écrira son père au Bailli de Mirabeau quelque mois plus tard.
Gabriel Honoré, devenu adulte, admettra son aspect physique disgracieux, mais il voudra en tirer sa force : « on ne connait pas toute la puissance de ma laideur » (2) clamera-t-il
Mais pour l’heure il y a beaucoup plus grave pour Mirabeau père, que l'aspect physique de son rejeton pour lequel il semble maintenant s’être fait une raison. Il trouve, chaque jour un peu plus, que son descendant prend les traits de son épouse; une femme qu'il déteste maintenant au plus haut point. Et effectivement, si Gabriel-Honoré a hérité du physique de sa mère Geneviève de Vassan, il lui ressemble aussi beaucoup au moral...
Haïssant l'épouse, Victor de Mirabeau va haïr le fils avec autant de force et reporter ses sentiments sur le cadet Boniface, né en 1754. Le plus jeune des Mirabeau portera bientôt, à cause de sa stature et de son ivrognerie, le sobriquet de « Mirabeau-Tonneau ».
1 - Cité par A. MEZIERES "La Vie de Mirabeau", Hachette, Paris, 1892, page 36
2 - Cité par Christian DELPORTE « Une histoire de la séduction politique » Flammarion, Paris, 2001, page 121
ILLUSTRATION : Jean-Antoine Riqueti, bailli de Mirabeau
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