Il y a un an, jour pour jour, le 23 juin 2016, les britanniques votaient pour le Brexit. L'Union européenne a eu du mal à se ressaisir. Aujourd’hui, elle se félicite d'être restée unie, au moins en façade, mais elle cherche encore le projet mobilisateur qui lui permettra d’aller à nouveau de l'avant.
Emmanuel Macron, européiste assumé, et son homologue allemande Angela Merkel sont très déterminés à faire bouger les lignes. Le 22 juin dernier, en arrivant à Bruxelles pour son premier sommet européen, Emmanuel Macron a plaidé pour que l'Europe "apporte une réponse concrète au dérèglement de la mondialisation". "Nous entrons dans le concret. Ce conseil (européen) va permettre de parler de l'avenir de notre Europe et porter le projet d'une Europe qui protège", a expliqué Emmanuel Macron, reprenant un discours qu'il martèle depuis son élection le 7 mai. Le président, précisant travailler "la main dans la main avec l'Allemagne", a répété qu'il souhaitait en particulier voir ce sommet, qui dure jusqu'au 23 juin, consacrer la création d'un fonds européen de défense.
La nouvelle entente franco-allemande
La chancelière allemande Angela Merkel est allée dans son sens. "Pour moi, façonner l'avenir à 27 membres est prioritaire par rapport à la question des négociations avec la Grande-Bretagne sur sa sortie (...) Nous voulons conduire ces négociations dans un bon esprit mais nous devons nous concentrer avant tout sur l'avenir des 27", a-t-elle souligné à son arrivée à Bruxelles.
La chancelière a assuré qu'elle était "très contente de travailler" avec Emmanuel Macron. "Je crois en particulier que la créativité et les nouveaux élans qui viennent de France - d'Allemagne et de France - peuvent être bons pour tous", a-t-elle conclu.
Les 27 seront-ils capables de bâtir ensemble une nouvelle Europe ? Ce n’est pas certain mais cela dépendra beaucoup de ce que la France et l’Allemagne seront en mesure de proposer. Des projets pour l’Europe il n’en manque pas !...
Bâtir une défense européenne
C'est le grand projet prioritaire. Le premier résultat concret du sommet, espère l'Elysée, devrait concerner la défense, avec la création du fonds européen de la défense proposé par la Commission européenne le 7 juin, qui doit mobiliser 5,5 milliards d'euros par an pour la défense européenne, avec des scénarios d'intégration militaire renforcée.
"La France et l'Allemagne soutiennent activement ces propositions ambitieuses. Nous espérons que le Conseil européen validera ce choix", a indiqué l'Elysée. Le thème intéresse beaucoup l'Allemagne, surtout depuis que les Etats-Unis de Trump ont dénoncé le coût excessif de l'Otan, invitant Angela Merkel à prendre à sa charge une plus grande part des dépenses. On se souvient du Tweet rageur de Donald Trump : "Nous avons un ÉNORME déficit commercial avec l'Allemagne, en plus elle paye BIEN MOINS qu'elle ne le devrait pour l'OTAN et le secteur militaire. Très mauvais pour les USA. Ça va changer."
Mieux encadrer le fameux "plombier polonais"
Sur la limitation du travail détaché, sujet extrêmement impopulaire et promesse de campagne du président Macron, le Conseil européen a entendu la critique, mais repoussé sa décision à l'automne. Le sujet divise encore plus depuis que la France a rejeté mi-juin un texte de compromis qu'elle jugeait trop mou, au risque de braquer les pays de l'Est.
Emmanuel Macron plaide pour durcir le projet de la Commission, qui prévoit d'aligner les rémunérations des travailleurs détachés sur ceux de la main-d’œuvre locale. Paris veut davantage de lutte contre la fraude et limiter le détachement à un an.
Lancer un "Buy European Act"
Sur la protection commerciale, la France demandera au Conseil de renforcer les outils antidumping, un sujet qui là encore ne fait pas l'unanimité. Le candidat d'En Marche! a aussi inscrit dans son programme la volonté de réserver l'accès aux marchés publics européens aux entreprises qui localisent au moins 50% de leur production en Europe.
Si ce patriotisme économique rappelle le "Buy American Act", il déplaît à Angela Merkel, fervente libre-échangiste. Elle attend, en retour de son appui, que Macron réussisse sa réforme du marché du travail et l'assainissement de ses finances publiques. "Mais les choses sérieuses ne commenceront qu'après les élections allemandes d'octobre, surtout sur le projet de Macron de créer un noyau dur de la zone euro, dont la Pologne ne ferait donc pas partie", a-t-il souligné.
Avec la série d'ordonnances qu'Emmanuel Macron veut faire passer cet été pour réformer le marché du travail, il donnerait ainsi des gages à l'Allemagne pour faire avancer cette réforme de l'UE.
Créer un noyau dur au sein de l'Union Européenne
L'idée d'une Union à deux vitesses, avec une intégration plus poussée du noyau dur a refait surface. "La cohésion européenne entre les Etats de la zone euro laisse à désirer", a reconnu la chancelière conservatrice dans un discours devant des industriels à Berlin, le 20 juin. Pour y remédier, "on peut très bien imaginer (...) un gouvernement économique" chargé notamment « d'étudier les meilleures méthodes pour promouvoir l'emploi en zone euro », a-t-elle ajouté.
On peut aussi "naturellement réfléchir à un ministre des Finances commun, si les conditions de base sont remplies", a-t-elle également estimé tout en réitérant son rejet d'une mutualisation de la dette européenne. Et elle s'est dite ouverte à un "Budget" de la zone euro pour financer des projets de structures.
Durant sa campagne, Emmanuel Macron avait mis en avant une telle réforme de la zone euro, essentielle à ses yeux pour faire barrage à la montée des populismes, en insistant sur l'idée d'un ministre des Finances et d'un budget pour les pays de la région.