L'audit de la Cour des Comptes était très attendu car on savait que les résultats seraient mauvais. A priori c’est encore pire que ce que l’on redoutait : il chiffre à 3,2% du PIB le déficit prévu pour 2017 quand le précédent gouvernement visait 2,8%. Les magistrats recommandent des mesures drastiques pour redresser les comptes.
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a remis ce jeudi 29 juin au premier ministre son audit sur la «situation et les perspectives des finances publiques». Le constat est très sévère. Les magistrats estiment que la prévision de déficit 2017 du précédent gouvernement à 2,8% repose sur des hypothèses complètement fantaisistes. Plus grave, selon la Cour, l'exécutif de François Hollande aurait volontairement publié des prévisions insincères. «La prévision des recettes apparaît surestimée et les dépenses manifestement sous-évaluées», taclent les auteurs. «Des biais de construction ont affecté la sincérité de la loi de finance initiale et du programme de stabilité», transmis chaque année à la Commission européenne, fustigent-ils. Le terme «sincérité» n'est pas choisi par hasard. Il a provoqué de vifs débats rue Cambon. Un budget jugé insincère par le Conseil constitutionnel peut en effet être invalidé.
Dans le détail, après avoir passé en revue toutes les lignes du budget, ces experts tablent sur des recettes inférieures de 2 milliards d'euros à l'objectif initial. En cause notamment, une surestimation des rapatriements d'avoirs jusqu'ici détenus à l'étranger. Les dérapages du volet dépenses sont encore plus frappants. La Cour évalue ces dépassements à 5,9 milliards d'euros. La seule recapitalisation d'Areva, non comptabilisée par le précédent exécutif, coûterait 2,3 milliards d'euros.
Des mesures d'économies nécessaires rapidement
Au total, environ 8 milliards d'euros manqueraient donc au budget pour tenir les objectifs. Si aucune mesure n'est prise d'ici la fin de l'année, «le déficit public pourrait être supérieur de l'ordre de 0,4 point de PIB à celui prévu dans le Programme de stabilité conduisant à une prévision de déficit autour de 3,2 points de PIB», lance la Cour des comptes.
Pour ramener le déficit sous la barre des 3% et tenir ainsi les engagements européens de la France, le gouvernement devra à court terme passer par des annulations de crédit, et de «toutes les mesures d'accroissement de dépenses publiques non encore mises en œuvre» ainsi que par «des mesures d'économies portant sur toutes les administrations publiques», recommandent les Sages.
Un budget 2018 qui s’annonce difficile
L'équation s'annonce encore plus compliquée pour 2018. À cet horizon, le précédent gouvernement avait annoncé un déficit de 2,3%. La Cour des comptes ne donne aucun crédit à cette projection. Sur le seul périmètre de l'État, «les facteurs de hausse de la masse salariale et des autres dépenses devraient en 2018 tirer les dépenses de l'État à la hausse pour un montant compris entre 6,8 et 9,1 milliards d'euros, soit 8 milliards d'euros dans une hypothèse moyenne, correspondant à près de 0,4 point du PIB», alarment les magistrats.
Réformer les grandes politiques publiques
Pour redresser les finances publiques, la Cour recommande donc de prendre le taureau par les cornes: maîtrise de la masse salariale des administrations, via par exemple le gel du point d'indice, une réduction des effectifs ou des avantages salariaux, et surtout des réformes des grandes politiques publiques - Éducation nationale, de la politique du logement, de la santé, de la formation- afin de les rendre plus efficaces.
Le rapport n'a pas manqué de faire sortir de ses gonds le précédent exécutif. L'ancien secrétaire d'État au Budget, Christian Eckert, a réagi dès mercredi 28 juin sur son blog: «Il ne faut pas oublier quelques données factuelles: le déficit public dépassait 150 milliards à la fin de la législature précédente, il était de moins de la moitié fin 2016, certifié par la Cour des Comptes. Tous les secteurs de la dépense publique y ont contribué, et si le déficit de l'État s'est en fait peu réduit, c'est que tous les allégements de cotisations sociales ont été compensés par l'État à la Sécurité Sociale».
Source : LeFigaro.fr 29-06-2017