La grande dépression mondiale du début des années 30 a laissé des traces dans l’industrie automobile française. Pour ne citer qu’un exemple, Delage qui rivalisait avec les plus grands tels que Rolls-Royce et Hispano-Suiza a du cesser sa production et passer sous la coupe de Delahaye en 1934. Même la compétition, qui avait été un formidable champ d’expérimentation et de rivalités entre constructeurs européens, a subi la déprime générale.
Les circuits sont délaissés et le Racing Club de France lance un défi aux constructeurs français : battre le record de vitesse de 200 km/h détenu par une voiture italienne avant le 31 mars 1937. Le prix versé au vainqueur sera de 400 000 Francs. La cylindrée du moteur ne doit pas être supérieure à 4,5 litres pour ceux qui sont à aspiration naturelle et 3,0 litre pour les « supercharged ». Un groupe de producteur français d’alliages légers propose de monter la dotation à 1 million de Francs et de repousser la date limite au 31 août 1937.
La somme mise en jeu, assez considérable, va réveiller les trois constructeurs français les plus engagés, dans un passé récent, dans la compétition automobile : Bugatti, Talbot Lago et Delahaye. Bugatti et Talbot Lago vont travailler sur leurs acquis et modifier moteurs et châssis existants pour les rendre compatibles avec les exigences de la nouvelle règlementation. Delahaye qui ne dispose que d’un six cylindres en ligne de 3,5 litres de cylindrée ne pense pas pouvoir atteindre les objectifs avec ce type de moteur. La décision est donc prise assez rapidement : développer un nouveau moteur. Et pour relever le défi ils optent pour un moteur de 12 cylindres en V. Avec l’aide de partenaires français ils développent un bloc moteur en alliage de magnésium et une culasse en alliage d’aluminium. Un pari pour l’époque !.. Mais les innovations ne s’arrêteront pas là : trois arbres à cames assurent admission et échappement. L’un dans la base du V pour les soupapes d’admission et deux autres sur chacun des cotés du bloc pour les soupapes d’échappement. L’aspiration est faite par trois carburateurs Stromberg. Le moteur compact léger et performant développe ainsi environ 240 cv à 5 500 t/mn.
Le châssis quant à lui sera dérivé du châssis 135. Ainsi nait la Delahaye 145 qui se présente sur le circuit de Montlhéry quelques jours seulement avant la date limite prévue. Mal peinte, à peine finie, après quelques essais elle décroche le record de vitesse et le million de Francs qui était promis. Quatre autres exemplaires de la Delahaye 145 sont alors construits et comme Delahaye est le premier à être fin prêt pour la saison 1938 il les engage dans les grandes courses européennes. La Delahaye 145 remportera les Grands Prix de Pau et de Cork. Elle sera également engagée dans la course d’endurance des Mille Miglia mais le moteur V12 se révèlera trop fragile pour ce genre d’épreuves.
En fin de saison alors que la guerre commence à poindre sur l’Europe, les voitures de compétition sont démontées et soigneusement cachées. Après la fin de la guerre trois de ces voitures sont remontées, carrossées et vendues comme voitures routières.
Aujourd’hui quatre exemplaires de la Delahaye 145 existent encore dont celle qui a remporté le Million de Francs. La voiture présentée ici (châssis 48772/3) est l’une des cinq Delahaye 145 Grand Prix fabriquées en 1937. Elle a probablement été utilisée en compétition. Il se pourrait même qu’elle soit la fameuse voiture de la course du « million ». Après la guerre elle est achetée par un collectionneur français qui la confie au carrossier Franay. Le châssis est conservé tel quel mais la carrosserie est transformée en un élégant cabriolet qui sera exposé au Salon de l’Automobile de Paris en 1946.
La voiture remportera également le Concours d’Elégance international de 1947 puis elle sera vendue en 1953. Elle change alors plusieurs fois de mains et même de carrosserie avant de terminer dans une collection américaine qui va entreprendre une restauration de la voiture avec un retour au style de Franay. L’unique Delahaye est présentée au Concours d’Elégance de Pebble Beach en 2015 où elle remporte le trophée dans sa catégorie.
Je recommande à tous les passionnés de l'automobile et de son histoire les remarquables sites (en anglais) cités ci-dessous. Ils présentent, outre des commentaires et données techniques très complètes, de magnifiques photos sur la production automobile mondiale
ultimatecarpage.com
supercar.net
swisscarsighting.com
mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :
autogaleria.hu
Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)