La porte-parole de la chancelière allemande, Angela Merkel, a qualifié lundi 7 mars de "spéculation" l'annonce d'une fermeture de la route migratoire des Balkans dans un projet de déclaration finale du sommet extraordinaire de l'Union européenne en cours à Bruxelles. La chancelière, Angela Merkel, est en première ligne dans la crise des migrants.
Trois Länder votent en même temps, dimanche, dont les très peuplés Bade-Wurtemberg et Rhénanie-Palatinat. L'assiette électorale est donc suffisamment large pour faire de ce scrutin un référendum sur la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel – qui influencera le choix de quatre électeurs sur cinq, selon un récent sondage ARD.
Dans les intentions de vote, partout, la CDU perd du terrain au profit du jeune parti populiste Alternative pour l'Allemagne (AfD), qui fait campagne contre les réfugiés. En Saxe-Anhalt, seule région de l'Est à voter, l'AfD est même crédité de 17 % des intentions de vote, devant le SPD. Dès lors, Angela Merkel n'a pas le choix : elle doit tenir la promesse qu'elle a formulée dès le mois de novembre à ses électeurs, et faire baisser rapidement le nombre de demandeurs d'asile. Pour elle, la solution viendra de ce sommet UE-Turquie. "Je n'ai pas de plan B", a-t-elle concédé dimanche dernier sur ARD.
"L'obsession turque de la chancelière" : l'expression, entendue dans la bouche d'un diplomate européen à Bruxelles lors du dernier sommet, a fait son chemin jusqu'à Berlin. Au ministère des Affaires étrangères, on applique les directives de la chancellerie - les contacts sont désormais quotidiens avec les Turcs - mais on n'en pense pas moins : Angela Merkel compte trop sur Ankara pour résoudre la crise des réfugiés.
Rééquilibrer sa diplomatie
Ainsi les négociateurs allemands ont reçu pour consigne de ne plus aborder certains dossiers chauds, comme la liberté d'expression ou la question kurde. "C'est de la realpolitik, certes, mais il y a le danger d'une rupture majeure dans la ligne allemande", reconnaît un diplomate. Des équipes ont aussi dû plancher sur des documents de travail appuyant les exigences turques à Bruxelles : levée de l'obligation de visa pour les visiteurs turcs dans l'espace Schengen, voire, à moyen terme, reprise des négociations pour une adhésion à l'UE. "Une stratégie dangereuse et irréaliste", a critiqué cette semaine l'économiste Hans-Werner Sinn, patron du très influent institut pour la recherche économique (Ifo) de Munich. "À chaque fois que l'Allemagne ne se montre pas assez docile, les Turcs laissent passer quelques réfugiés de plus vers l'Europe."
Depuis une semaine, la chancelière cherche toutefois à rééquilibrer sa diplomatie : voyage à Paris, discussions avec les Libanais et les Irakiens, et un spectaculaire rapprochement avec Athènes – qu'elle défend désormais : "Pouvez-vous sérieusement croire que les pays de l'Euro ont combattu jusqu'au bout afin que la Grèce reste dans l'Euro pour qu'un an plus tard on laisse la Grèce plonger dans le chaos?" L'Allemagne et la Grèce, les deux extrémités de la "route des Balkans" ont les mêmes intérêts dans cette crise. Lundi à Bruxelles, bien plus que François Hollande, c'est Alexis Tsípras qui sera donc l'allié le plus important de Merkel. Un paradoxe alors que, dans le dossier de la dette, Berlin continue de critiquer l'absence de structures étatiques fiables en Grèce.
Source : Le Journal du Dimanche.fr 07-03-2016