Allongement du temps de travail, majoration des heures supplémentaires, plafonnement des indemnités prud’homales… Ce sont les principales mesures de l’avant-projet de loi porté par la ministre du Travail, Myriam El Khomri. Un projet qui fait débat et qui divise une nouvelle fois la gauche. Ce qui signifie qu’il n’est pas encore voté !...
Temps de travail : jusqu’à 12 heures par jour
La durée maximale du temps de travail est aujourd’hui fixée à dix heures par jour. Elle peut monter à douze sur dérogations (pour les hôpitaux par exemple) accordée avec l’autorisation de l’inspection du travail. Sur une semaine, la durée maximale est de 48 heures et de 44 heures en moyenne sur 12 semaines. A titre exceptionnel, la durée de travail hebdomadaire peut atteindre 60 heures par semaine, toujours sur autorisation administrative.
Ce que prévoit la loi El Khomri. Le passage de 10 à 12 heures de travail quotidien sera autorisé par simple accord d’entreprise "en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise". Dans sa version dévoilée par « Le Parisien », le texte prévoyait la possibilité de passer à 60 heures hebdomadaires par accord collectif. Dans sa nouvelle mouture présentée au Conseil d’Etat, l’avant-projet de loi abandonne cette option, et laisse à l’inspection du travail le soin de déterminer les entreprises qui peuvent prétendre à ce plafond. La durée maximale du travail reste de 48 heures. En revanche, les salariés pourront en cas d’accord collectif travailler 46 heures par semaine, pendant seize semaines.
Les heures supplémentaires seront payées moins
Depuis 2002 et la loi Jospin, la durée légale est de 35 heures par semaine. Au-delà, les heures supplémentaires sont majorées 25% de plus pour les huit premières heures, 50% au-delà. Mais cette rémunération peut être réduite à 10% en cas d’accord collectif et à condition qu’aucun accord de branche ne l’interdise.
Ce que prévoit la loi El Khomri : La durée légale reste celle des 35 heures et le seuil minimal passe à 10%. Le taux de 25% minimum que pouvait arguer les branches professionnelles saute, explique Mediapart.
Les licenciements économiques seront plus difficiles à contester
En cas de litige, la jurisprudence actuelle laisse au juge le soin d’apprécier si les motifs économiques invoquées par l’entreprise justifient le licenciement économique.
Ce que prévoit la loi El Khomri : L’avant-projet de loi prévoit désormais de limiter le domaine d’interprétation du juge. Les difficultés économiques deviennent ainsi caractérisées "soit par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie", ou encore en raison de "mutations technologiques" ou "réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité". Le nombre de trimestres sera négociable par accord collectif ou de branche. Faute d'accord, l'entreprise pourra justifier de quatre trimestres de baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, ou d'un semestre de perte d'exploitation.
Des accords "offensifs" difficiles à refuser
Actuellement, une entreprise en difficulté conjoncturelle peut négocier avec un salarié un "accord de maintien de l’emploi" (souvent appelé accord "défensif"), lui permettant de prévoir des baisses de salaires et/ou une hausse du temps de travail, pour une période de cinq ans maximum. En cas de désaccord du salarié, celui-ci peut être licencié pour motif économique et contester cette décision aux prud’hommes.
Ce que prévoit la loi El Khomri : En plus de l’accord défensif, les entreprises pourront proposer un accord "offensif" au salarié pour le "développement de l’emploi", par exemple si elles veulent conquérir de nouveaux marchés, indique « Le Monde ». Si le salarié refuse de voir son contrat modifié, il sera licencié pour motif personnel et son licenciement sera impossible à contester devant le juge.
Les indemnités prud’homales deviennent plafonnées
Aujourd’hui, en cas de licenciement jugé abusif, un salarié peut porter l’affaire aux prud’hommes et toucher des indemnités jusque-là non plafonnées.
Ce que prévoit la loi El Khomri : Les indemnités accordées par les prud’hommes aux travailleurs du privé victimes de licenciements abusifs seront plafonnées en fonction d’un barème fondé sur l’ancienneté. Si le salarié a moins de deux ans d’ancienneté, il percevra au maximum trois mois de salaire. Entre deux et cinq ans d’ancienneté, il touchera six mois de salaire. Neuf mois de salaire s’il y est depuis cinq à dix ans. Le maximum est de 15 mois pour une ancienneté de plus de 20 ans.
Les syndicats pourront être contournés par une consultation directe des salariés
Actuellement, un accord d’entreprise n’est valable que s’il est signé par un ou plusieurs syndicats représentants 30% des salariés et que les autres organisations pesant moins de 50% ne s’y opposent pas.
Ce que prévoit la loi El Khomri : Les accords collectif devront être majoritaires, c’est-à-dire paraphé par des organisations syndicales représentant au moins 50% des salariés. Les syndicats représentant moins de 30% pourront demander un référendum d’entreprise. Un accord sera alors valide s’il est approuvé par les salariés à la moitié des suffrages exprimés. Les syndicats, même s’ils représentent 70% des salariés, ne pourront plus s’y opposer.
Source : LeJDD.fr 20-02-2016