Et si, à côté des grands engagements planétaires et des chiffres mirobolants qui seront brandis pour lutter contre le réchauffement climatique, le véritable succès de la COP 21, à la fin de l’année, était l’électrification de l’Afrique ? Jean-Louis Borloo, l’infatigable défenseur de ce projet, s’en est encore fait l’avocat mardi 6 octobre dernier devant le Parlement Panafricain à Johannesburg : «S’il y a un continent qui a le droit de demander sa juste part et son juste financement, c’est bien l’Afrique. Il faut un plan concret pour l’énergie, qui démarre dès janvier.»

Mais quel est le rapport avec le climat ?

Et en quoi consiste ce plan ? « Pas une machine à gaz, c’est un accord simple et concret qui tient en deux pages », assure Borloo. L’objectif est de faire passer en dix ans l’électrification du continent subsaharien de 25% à 80%. Pour cela, l’ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy propose – avec l’Union africaine - de créer une Agence intergouvernementale de l’énergie dirigée par les Africains eux-mêmes. Celle-ci serait financée par une « subvention » annuelle de cinq milliards de dollars versée par les grands pays développés émetteurs de carbone.

Tous les trois ans le mécanisme de contribution sera revu sur le principe bonus-malus : les pays vertueux qui auront baissé leurs émissions de carbone paieront moins et ceux qui auront pollué encore plus débourseront plus. « Ces 5 milliards correspondent à la moitié des engagements de 10 milliards par an prévus par la conférence de Copenhague en 2009 et qui n’ont jamais été engagés faute d’une agence dédiée et d’une affectation précise : à vouloir tout faire on ne fait rien », argumente Borloo.

Une croissance pour l’Afrique et pour l’Europe

L’Afrique émet très peu de CO2 et est au contraire un véritable « puits de carbone » grâce à sa forêt. En contribuant à l’électrification du continent sub-saharien, les pays du Nord responsables du réchauffement climatique limiteront aussi la déforestation du fait du bois de chauffe. « Electrifier l’Afrique c’est moins compliqué que de faire un sous-marin nucléaire », lance le Français. « C’est la seule façon de prévenir les migrations massives vers le Nord et ce sera en plus pour l’Europe et le monde un vrai relais de croissance». En Guinée-Conakry, où il se trouvait il y a deux semaines pour l’inauguration du barrage de Kaleta, Borloo a pu constater que la mise en œuvre de ce seul ouvrage a permis de doubler l’électrification des foyers de ce pays parmi les plus pauvres de la planète.

Selon l’économiste Jean-Hervé Lorenzi l’électrification de l’Afrique se traduirait par un gain de 2 à 3 points de croissance pour l’Europe. D’autres évaluations indiquent que le taux de croissance de l’Afrique pourrait, lui, bondir à plus de 10%. Fort du soutien des Africains – le Parlement panafricain a voté à l’unanimité mercredi une « recommandation » en sa faveur - Borloo espère faire de son projet « un volet concret et opérationnel de la COP 21, une sorte de starter permettant de lancer tout le reste ». François Hollande, qui l'a laissé faire depuis un an, le recevra la semaine prochaine.

Source : LeParisien.fr  11-10-2015