L'essence et le gazole sont au plus bas depuis 2009. C’est une des seules bonnes nouvelles en cette fin d’été. Mais les compagnies pétrolières ne répercutent pas à 100 % la chute des cours vers la pompe. Un trou de 1,3 Md€ pour les automobilistes.
Des prix du pétrole au plus bas, ceux affichés dans les stations-service qui suivent le même chemin... Les automobilistes vacanciers ont depuis le début de l'été de quoi se réjouir. Mais leur facture à la pompe aurait pu être encore plus légère ! Les compagnies pétrolières ont en effet profité de ce contexte favorable pour rebooster leur activité raffinage, celle qui consiste à transformer le pétrole brut importé en différents produits, notamment le carburant (diesel et sans plomb).
Les compagnies gonflent leurs marges
Comment ? En gonflant leurs marges tout au long de cette année 2015. Résultat : certes, les prix des carburants ont baissé, mais pas autant qu'ils auraient dû. Selon les calculs des experts, ce tour de passe-passe est venu alourdir la facture globale aux stations-service de... 1,3 Md€ !
En France, les compagnies pétrolières qui raffinent sont au nombre de trois : la française Total, qui détient cinq des huit raffineries, l'américaine Esso et la sino-suisse Petroineos. Habituellement, les marges générées par l'activité de raffinage oscillent autour d'une trentaine d'euros par tonne de pétrole brut. Sauf qu'elles ont plus que doublé depuis le mois de janvier, faisant passer cette moyenne à 52 € la tonne. Avec même un pic à 63 € au mois d'août, en pleine « driving season », la période estivale des chassés-croisés sur les routes lors de laquelle les automobilistes multiplient les passages à la pompe.
Un niveau de marge au plus haut depuis vingt ans
Ce sont ainsi plus de 4 centimes supplémentaires sur chaque litre acheté qui partent directement dans la poche des raffineurs. Un niveau inégalé depuis près de deux décennies. Or, selon les chiffres de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), les automobilistes français ont consommé 33 milliards de litres de carburant depuis le début de l'année. C'est donc bien 1,3 Md€ supplémentaires qu'ils ont dû sortir de leur porte-monnaie sur l'ensemble des passages à la pompe, pour le plus grand bonheur des pétroliers.
L'association de défense des consommateurs CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) s'était saisie de la question dès le mois d'avril dernier, en adressant un courrier au ministre de l'Economie, Emmanuel Macron. « Le secteur du raffinage traverse aujourd'hui une période de surcapacité au niveau européen et, en parallèle, un accroissement de la concurrence américaine et des pays producteurs de pétrole », peut-on notamment lire dans la réponse du cabinet du ministre, que nous avons pu consulter. « Il en résulte des pertes dans le secteur du raffinage que la baisse récente du prix du baril de pétrole n'a permis que d'atténuer. »
Rééquilibrer la situation du raffinage
Des arguments repris en chœur par Total, le principal acteur du secteur en France, et par l'Ufip . Depuis 2010, quatre des douze raffineries françaises ont été fermées, faute d'activité suffisante. Mais doit-on en conclure que les compagnies pétrolières jouent sur les prix pour se refaire une santé dans le secteur sinistré du raffinage ?
Le ministère de l'Economie confirme : « Ces fermetures ont permis aux raffineurs de rééquilibrer une situation qui leur était depuis quelque temps défavorable, et ainsi de remonter leurs marges. » Un argument qui, aujourd'hui comme hier, ne convainc pas du tout la CLCV. « Ce n'est pas aux consommateurs de payer les pots cassés », s'insurge François Carlier, son délégué général. « Depuis un an, les prix du carburant baissent, ce qui est une très bonne nouvelle. Mais il est absolument anormal que les pétroliers en profitent pour regonfler leurs marges et rattraper ainsi des pertes occasionnées ces dernières années. »
Source LeParisien.fr 22-08-2015