Des négociations sont en cours pour former un gouvernement d'union nationale en Libye, ce qui serait la condition essentielle pour sauver le pays menacé de désintégration. Les négociations sont difficiles mais le temps presse, alors que Daech poursuit son avancée dans le pays.
"Pourparlers décisifs", "occasion historique", "dernière chance avant la désintégration". L'emphase était de mise cette semaine pour évoquer les négociations de Skhirat, au Maroc, et de Berlin, visant à former un gouvernement d'union nationale en Libye.
Un pays déchiré
Ces superlatifs sont pourtant justifiés. Le pays, déchiré entre deux autorités (l'une à Tobrouk, reconnue internationalement, et l'autre, composée de divers mouvements islamistes, à Tripoli), est proche du précipice : la Banque centrale est au bord de la faillite, les combats entre milices rivales ne connaissent pas de trêve et dix fonctionnaires du consulat tunisien ont encore été enlevés vendredi 12 juin dernier à Tripoli. "Si aucun accord n'est trouvé avant la semaine prochaine, alors il faudra craindre le pire", s'inquiète un diplomate français.
Bernardino León, l'émissaire de l'ONU, qui depuis des mois tente de réconcilier les Libyens, s'est donné jusqu'au début du ramadan, le 17 juin, pour arracher un compromis. À Tobrouk, les parlementaires se sont indignés jeudi du projet d'accord (le quatrième!) présenté par León, estimant qu'il faisait la part trop belle à leurs rivaux regroupés au sein de la coalition de Fajr Libya, suspectée par une source diplomatique de faire traîner les choses.
"Le temps presse"
La situation est d'autant plus complexe que quelques parrains (Qatar et Turquie, soutien de Fajr Libya ; Égypte, Émirats arabes unis et Arabie saoudite, alliés de Tobrouk) se penchent d'un peu trop près sur le berceau libyen.
"Nous mettons une énorme pression sur Le Caire pour qu'ils ne torpillent pas les négociations, explique une source française. Mais pour eux, il est inconcevable qu'un futur gouvernement libyen compte des islamistes en son sein." "Le temps presse", a pourtant répété Bernardino León cette semaine, ajoutant que "les récentes attaques terroristes doivent agir comme un déclic".
Une référence claire à l'avancée de Daech dans le pays. Mardi, le groupe djihadiste a pris le contrôle total de la ville de Syrte.
Renversement d'alliances
Quelques jours auparavant, il s'était emparé de Harawa, localité proche du croissant pétrolier libyen. Ces coups d'éclat pourraient néanmoins se retourner contre lui. Déjà, ils servent d'argument utile au négociateur de l'ONU pour contraindre les deux parties à freiner ensemble l'expansion de Daech.
Cette dernière poussée djihadiste a déjà engendré un renversement d'alliances. Surtout, à Derna, bastion de l'État islamique dans l'Est libyen, où le groupe terroriste combat désormais ses anciens partenaires du Conseil consultatif de la Choura des moudjahidine, plus ou moins liés à Al-Qaida. Deux figures de ce Conseil, Salim Derbi et Nassir Al-Akr, ont été tués en début de semaine par l'EI, scellant la fracture définitive entre les deux factions.
Depuis, une partie de la population de Derna s'est aussi soulevée contre les djihadistes, où ces derniers ont déjà perdu plusieurs quartiers. L'issue de cette confrontation pourrait redéfinir l'équilibre des forces en Libye.
Source : LeJDD.fr 16-06-2015