L'avocat pénaliste Éric Dupond-Moretti est un des premiers signataires de la pétition contre les écoutes de Me Thierry Herzog l’avocat de Nicolas Sarkozy. Dans une interview donnée au JDD le 15 mars dernier le ténor du barreau explique qu’il est bien décidé à faire changer la loi.
Où en est-on au bout d'une semaine de pétition?
« Samedi, on a atteint les 4.000 signatures, ce qui dans notre profession, pour une pétition spontanée comme celle-là, en dehors de toute opinion politique ou syndicale, est du jamais-vu. Naturellement, Henri Leclerc ou Thierry Lévy ont signé ce texte. Olivier Morice, l'avocat des victimes dans l'affaire Karachi, aussi. On ne peut pas le soupçonner d'être sarkozyste! J'aurais, pour ma part, signé la même pétition s'il s'était agi d'écoutes visant Me Mignard, l'avocat de François Hollande. Alors, oui, aujourd'hui, quand je vois cette mobilisation qui ne va pas s'arrêter, je suis fier d'être avocat. Nous ne pouvions pas laisser faire. Et d'ailleurs, nous n'allons pas laisser faire. »
C'est-à-dire…
« Il faut que les pratiques des magistrats changent. Et que la loi s'adapte aux nouveaux moyens techniques d'écoute, ultrasophistiqués, qui permettent d'écouter tout le monde en temps réel. C'est une question de liberté publique. Les grandes démocraties protègent les secrets des journalistes et des avocats. Toute cette affaire n'a rien à voir avec Sarkozy, mais elle va faire changer la loi, j'en suis sûr. Des bornes ont été franchies. Grâce aux deux textes brandis par la garde des Sceaux, on sait, même s'ils prétendent que Me Herzog n'a pas été directement écouté, qu'il a bien été la cible d'écoutes "par ricochet" et que des "retranscriptions" ont été faites qui n'auraient jamais dû avoir lieu. D'ailleurs, les magistrats rédacteurs de ces notes évoquent eux-mêmes une contestation possible. Ils savent bien que ce qu'ils ont fait est du bricolage, qu'en écoutant Nicolas Sarkozy aussi longtemps avec son conseil, les juges sont allés "à la pêche" avec des filets dérivants. Cela n'aurait jamais dû avoir lieu. Tout comme la perquisition chez Thierry Herzog et à son cabinet, sur cette base frelatée… »
Que proposez-vous?
« En un mot que la loi encadre ces pratiques et garantisse le secret professionnel des avocats que bafoue la pratique de certains juges. Un contrôle sur le juge d'instruction qui décide des écoutes, qu'elles soient motivées, et que leur prolongement, au bout d'un certain délai, le soit aussi. Et puis il faut un contrôle sur la proportionnalité des moyens d'investigation et des perquisitions. »
D'autres avocats, comme Me Mignard et Me Bourdon, ont lancé une pétition contraire…
« Cette contre-pétition signée d'une vingtaine d'avocats, pour la plupart partie prenante dans ces dossiers, comme Me Mignard est l'avocat de François Hollande et de Mediapart, me fait honte. Je pèse mes mots. Ils osent demander au procureur de commettre un délit en violant le secret de l'instruction… Mais Me Mignard, l'ancien élève d'Henri Leclerc, se fourvoie et se trompe de combat. Je trouve cela triste de le voir réduit, lui, à un rôle de simple avocat politique ordinaire. Il devrait, puisqu'il est de gauche comme moi, être à nos côtés pour dénoncer ce scandale. »
Source : leJDD.fr 15-03-2014
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