Dès 1913 Ettore Bugatti entreprend de mettre au point un nouveau moteur à huit cylindres. La Première Guerre mondiale reporte ses projets à plus tard et les modèles à quatre cylindres existants restent en production jusque dans les années 1920. Après le retour de la paix en Europe, les travaux de développement reprennent et un moteur à huit cylindres de trois litres de cylindrée est présenté dans les salons de l’automobile en France et en Angleterre. Ce moteur de « type 28 » ne quittera pas la phase de prototype car peu après sa présentation officielle les instances dirigeantes du sport automobile annoncent que, pour la saison 1922, les moteurs du Grand Prix seraient limités à deux litres. Or dans l’esprit de Bugatti son nouveau moteur est fait pour la course.
Il se remet donc à l’ouvrage et, dans le même esprit que le moteur de trois litres, il construit un moteur huit cylindres conforme aux nouvelles réglementations. Le « Type 29/30 » est composé de deux blocs de quatre cylindres montés sur un carter commun en aluminium, coulé d’une pièce, surmonté d’une culasse intégrée comportant deux soupapes d’admission et une d’échappement. Alors que le moteur d'origine de trois litres utilisait neuf roulements pour supporter le vilebrequin, le nouveau deux litres n'en compte que trois. Cela va devenir l'un des points faibles du design, en particulier dans les courses. Alimenté par deux carburateurs Zenith, le moteur développe une puissance maxi de 75 cv qui est portée à près de 100 cv pour les voitures de compétition.
À l’origine, Bugatti comptait monter le nouveau moteur dans un châssis de moteur à quatre cylindres existant, mais celui-ci s’avère incapable de supporter la charge du « huit » plus grand et plus puissant. Un nouveau châssis renforcé, de « type 30 », est aussitôt mis en chantier en conservant la technologie Bugatti pour ses essieux avant et arrière. Ce qui est plus inhabituel, c’est le montage des freins. Les freins avant hydrauliques ont été utilisés avec succès par le vainqueur du Grand Prix de France 1921, Duesenberg. Au lieu d'utiliser les freins du Duesenberg produits par Lockheed, Bugatti entreprend de développer les siens. Malheureusement quelques défauts fondamentaux apparaissent dans la conception et, en 1925, ils doivent être remplacés par des tambours à câbles classiques.
Les premiers châssis préparés pour la saison 1922 sont connus sous le nom de Type 29/30. Une équipe de quatre voitures est engagée au Grand Prix de France à Strasbourg. Revêtue d’une carrosserie aux lignes très aérodynamiques, la nouvelle Bugatti gagne rapidement le surnom de "Le Cigar". Le début en compétition est très prometteur : trois des quatre voitures finissent la course et se placent deuxième, troisième et quatrième derrière le vainqueur Fiat. A Monza quelques temps plus tard, une seule voiture avec une carrosserie plus conventionnelle se classe troisième. Du coup Bugatti engage cinq voitures types 29/30, équipés de carrosseries monoplaces, dans l'Indy 500 de 1923.
Les problèmes de roulements apparaissent comme douloureusement évidents et toutes les voitures sauf une doivent abandonner. Une version radicalement simplifiée du Type 30, connue sous le nom de « Tank » est construite pour le Grand Prix de France de 1923, mais elle ne parvient pas à faire mieux que la 3ème place. Bugatti reconnait alors les problèmes et va les résoudre en portant à neuf le nombre de roulements dans le Type 35 en cours de gestation.
Après l’achèvement du premier lot de voitures de course, l’accent est mis sur les versions tourisme du type 30. La base est pratiquement identique à celle des voitures de course, à l’exception de l’empattement légèrement plus long. Bien que la Type 29/30 n’ait pas remporté de succès éclatants sur la piste, la perspective d’acheter une voiture de Grand Prix Bugatti a certainement séduit les clients. La presse automobile se montre, elle aussi assez élogieuse.
La Type 30 se voit donc vue très vite attribuer des carrosseries sportives, essentiellement des torpédos sport que lui concocte souvent le carrossier Lavocat & Marsaud. La puissance du moteur huit cylindres de deux litres est tempérée à 75 chevaux, soit une dizaine de moins que sur les voitures de course.
Les premières livraisons du Type 30 commencèrent en novembre 1922 pour se terminer en 1926. La première année, environ 140 exemplaires sont produits. Au moment où le dernier Type 30 sort des ateliers de production, environ 600 exemplaires ont été fabriqués. On pense qu’une cinquantaine de ces voitures ont subsisté.
Assez méconnue aujourd'hui, excepté des collectionneurs, la première machine à moteur huit cylindres de Bugatti a connu un véritable succès économique et a ouvert la voie au modèle 35 tout conquérant.
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ultimatecarpage.com
netcarshow.com
favcars.com
mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :
autogaleria.hu
Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)