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2 septembre 2017 6 02 /09 /septembre /2017 08:00
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (39)

 

 

 

DEFENSE DE LA MONARCHIE : SEPTEMBRE 1789

    

 

 

 

 

    Le débat sur la dîme au cours duquel Mirabeau fait admettre, après une discussion très serrée, la suppression des dîmes sans rachat conforte un peu plus l’emprise du député d’Aix sur l’Assemblée. Cette prédominance du député d’Aix inquiète d’ailleurs bon nombre de ses collègues car l’Assemblée va aborder maintenant les textes fondamentaux de la Constitution. Après la Déclaration des Droits qui était la priorité, les députés vont se consacrer à un autre sujet, également capital aux yeux de tous, celui qui concerne l’organisation du Parlement et les prérogatives royales.

    La question du Parlement est tranchée le 10 Septembre 1789, par un vote qui consacre la chambre unique. Pourtant, de grands orateurs comme Lally-Tollendal (1) ou Mounier, ont bataillé ferme pour faire adopter le principe du Parlement composé de deux chambres, à l’exemple du système anglais. Mirabeau était opposé à ce principe, comme il était opposé au principe du veto suspensif accordé au roi, principe qui sera pourtant adopté le 11 Septembre par 673 voix contre 325.

 

    Mirabeau veut que l’on accorde au roi un veto absolu qui peut, selon lui, concilier l’esprit de la Révolution et la monarchie :

 

«  Je crois le veto du roi tellement nécessaire que j’aimerais mieux vivre à Constantinople qu’en France s’il ne l’avait pas .. »  (2)

 

    C’est pour faire valoir cette thèse qu’il prononce, le 11 Septembre, un long discours qui sera, dans les jours suivants, sujet à polémique car le texte imprimé n’était pas, selon Lameth (3), le reflet de ce que Mirabeau avait dit à la tribune. Il est exact que l’orateur a beaucoup improvisé, emporté par un thème pour lequel il a de profondes convictions. Il est exact également que Mirabeau apparaît, notamment dans ses écrits, comme un ardent défenseur de la monarchie, alors qu’il n’hésite pas, dans ses discours, à critiquer sévèrement le monarque et le régime.

 

«  Messieurs, dans la monarchie la mieux organisée, l’autorité royale est toujours l’objet des craintes des meilleurs citoyens; celui que la loi met au-dessus de tous devient aisément le rival de la loi. Assez puissant pour protéger la Constitution, il est souvent tenté de la détruire (..) Cette défiance, salutaire en soi, nous porte naturellement à désirer de contenir un pouvoir si redoutable. Une secrète terreur nous éloigne, malgré nous, des moyens dont il faut armer le chef suprême de la nation, afin qu’il puisse remplir les fonctions qui lui sont assignées (..)

«  Deux pouvoirs sont nécessaires à l’existence et aux fonctions du corps politique ; celui de vouloir et celui d’agir (..)

«  Chez une grande nation, ces deux pouvoirs ne peuvent être exercés par elle-même; de là la nécessité des représentants du peuple pour l’exercice de la faculté de vouloir, ou de la puissance législative; de là encore la nécessité d’une autre espèce de représentants pour l’exercice de la faculté d’agir, ou de la puissance exécutive (..)

«  L’une et l’autre de ces puissances sont également nécessaires, également chères à la nation (..) 

«  Appelé par son institution même à être tout à la fois l’exécuteur de la loi et le protecteur du peuple, le monarque pourrait être forcé de tourner contre le peuple la force publique, si son intervention n’était pas requise pour compléter les actes de la législation, en les déclarant conformes à la volonté générale. Cette prérogative du monarque est particulièrement essentielle dans tout Etat où, le pouvoir législatif ne pouvant en aucune manière être exercé par le peuple lui-même, il est forcé de le confier à des représentants.

«  La nature des choses ne tournant pas nécessairement le choix de ces représentants vers les plus dignes, vers ceux que leur situation, leur fortune et des circonstances particulières désignent comme pouvant faire le plus volontiers le sacrifice de leur temps à la chose publique, il résultera toujours du choix de ces représentants du peuple une espèce d’aristocratie de fait, qui, tendant sans cesse à acquérir une consistance légale, deviendra également hostile pour le monarque à qui elle voudra s’égaler, et pour le peuple qu’elle cherchera toujours à tenir dans l’abaissement. (4)  De là cette alliance naturelle et nécessaire entre le prince et le peuple contre toute espèce d’aristocratie (..)

«  Lorsqu’on suppose que l’Assemblée nationale, composée de ses vrais éléments, présente au prince le fruit de ses délibérations par tête, lui offre le résultat de la discussion la plus libre et la plus éclairée, le produit de toutes les connaissances qu’elle a pu recueillir (..) il parait répugner au bon sens d’admettre qu’un homme seul ait le droit de répondre " je m’oppose à cette volonté, à cette raison générale " (..)

«  Toutes ces objections disparaissent devant cette grande vérité, que, sans un droit de résistance dans la main du dépositaire de la force publique, cette force pourrait souvent être réclamée et employée malgré lui à exécuter des volontés contraires à la volonté générale (..) Le prince est le représentant perpétuel du peuple; comme les députés sont les représentants élus à certaines époques. Les droits de l’un, comme ceux des autres, ne sont fondés que sur l’utilité de ceux qui les ont établis. Personne ne réclame contre le veto de l’Assemblée nationale, qui n’est effectivement qu’un droit du peuple confié à ses représentants, pour s’opposer à toute proposition qui tendrait au rétablissement du despotisme ministériel : pourquoi donc réclamer contre le veto du prince, qui n’est aussi qu’un droit du peuple confié spécialement au prince, parce que le prince est aussi intéressé que le peuple à prévenir l’établissement de l’aristocratie ?

«  Mais, dit-on, les députés du peuple dans l’Assemblée nationale n’étant revêtus du pouvoir que pour un temps limité, et n’ayant aucune partie du pouvoir exécutif, l’abus qu’ils peuvent faire de leur veto ne peut être d’une conséquence aussi funeste que celui d’un prince inamovible opposerait à une loi juste et raisonnable.

«  Premièrement, si le prince n’a pas le veto, qui empêchera les représentants du peuple de prolonger, et bientôt après d’éterniser leur députation ? Qui les empêchera même de s’approprier la partie du pouvoir exécutif qui dispose des emplois et des grâces ?  (..)

«  Secondement, le veto, soit du prince, soit des députés à l’Assemblée nationale, n’a d’autre vertu que d’arrêter une proposition : il ne peut donc résulter d’un veto, quel qu’il soit, qu’une inaction du pouvoir exécutif à cet effet.

«  Troisièmement, le veto du prince peut, sans doute, s’opposer à une bonne loi; mais il peut préserver d’une mauvaise,  dont la possibilité ne saurait être contestée (..)

«  Supposez maintenant le droit de veto enlevé au prince, et le prince obligé de sanctionner une mauvaise loi : vous n’avez plus d’espoir que dans une insurrection générale, dont l’issue la plus heureuse serait probablement plus funeste aux indignes représentants du peuple que la dissolution de leur assemblée (..)

«  Certains proposent ce qu’ils appellent un veto suspensif : c’est à dire que le roi pourra dissoudre l’Assemblée nationale ou en attendre une nouvelle; mais si cette nouvelle Assemblée lui présente la même loi qu’il a rejetée, il sera forcé de l’admettre. Voici leur raisonnement dans toute sa force : " Quand le roi refuse de sanctionner la loi que l’Assemblée nationale lui propose, il est à supposer qu’il juge cette loi contraire aux intérêts du peuple, ou qu’elle usurpe le pouvoir exécutif, qui réside en lui, et qu’il doit défendre; dans ce cas, il en appelle à la nation; elle nomme une nouvelle législature, elle confie son vœu à ses nouveaux représentants : par conséquent elle prononce; il faut que le roi se soumette, ou qu’il dénie l’autorité du tribunal suprême auquel lui-même en avait appelé. " Cette objection est très spécieuse, et je ne suis parvenu à en sentir la fausseté qu’en examinant la question sous tous ses aspects (..)

1° Elle suppose faussement qu’il est impossible qu’une seconde législature n’apporte pas le vœu du peuple;

2° Elle suppose faussement que le roi sera tenté de prolonger son veto contre le vœu connu de la nation;

3° Elle suppose que le veto suspensif n’a point d’inconvénients, tandis qu’à plusieurs égards il a les mêmes inconvénients que si l’on accordait au roi aucun veto (...)

 

«  N’armons donc pas le roi contre le pouvoir législatif, en lui faisant entrevoir un instant quelconque où l’on se passerait de sa volonté, et où, par conséquent, il n’en serait que l’exécuteur aveugle et forcé. Sachons voir que la nation trouvera plus de sûreté et de tranquillité dans les lois expressément consenties par son chef, que dans des résolutions où il n’aurait aucune part, et qui contrasteraient avec la puissance dont il faudrait, en tout état de cause, le revêtir. Sachons que, dès que nous avons placé la couronne dans une famille désignée, que nous en avons fait le patrimoine des aînés, il est imprudent de les alarmer en les assujettissant à un pouvoir législatif, dont la force reste entre leurs mains, et où cependant leur opinion serait méprisée. Ce mépris revient enfin à la personne, et le dépositaire de toutes les forces de l’Empire français ne peut pas être méprisé sans les plus grands dangers.. » (5)

 

    Mirabeau se pose, ce jour là, en défenseur inconditionnel de la monarchie. Pourquoi prend-t-il publiquement une position aussi impopulaire ? Pourquoi surtout, alors que les partisans du veto absolu sont déclarés traîtres, le nom de Mirabeau n’est-il jamais cité ? On pressent, et les mauvaises langues se chargent de colporter cette information, que des contacts secrets ont eu lieu avec le Duc d’Orléans (6) ou avec son principal agent Choderlos de Laclos (7). Les pamphlets les plus féroces sont effectivement diffusés à l’initiative du duc et, s’ils épargnent systématiquement Mirabeau, il y a probablement une bonne raison !...

 

    Mirabeau, comme le prétendent certains de ses adversaires politiques, est-il partisan de l’abdication de Louis XVI* en faveur du duc d’Orléans qui lui aurait déjà fait des promesses ? Nul ne pourra jamais apporter la preuve de ces rumeurs. Ce qui est sûr, c’est que la popularité acquise par Mirabeau dans la France entière, depuis l’ouverture des Etats Généraux, a aiguisé son appétit de pouvoir. Plus que jamais pris par les démons de l’ambition, il veut tout faire pour obtenir un poste digne de son talent : un ministère important lui irait très bien...

 

    Même si son activité est tout entière consacrée à sa conquête du pouvoir, il n’en est pas moins, de temps à autre, rattrapé par ses souvenirs de jeunesse. Il y a quelques semaines, c’était la mort de son père. Lors de la séance du 15 Septembre, on vient à nouveau lui porter à l’Assemblée un bien triste message : Sophie n’est plus. Sa très chère Sophie, celle qu’il a tant aimée. Celle pour qui il a écrit des pages et des pages de lettres d’amour enflammé.  Sophie s’est donné la mort parce qu’elle ne supportait pas sa solitude. Mirabeau essuie une larme et parait soudain très abattu.

 

    Pendant plusieurs jours on ne le verra pas aux séances de l’Assemblée nationale ....

 

 

 

 

(1)   LALLY-TOLLENDAL (Trophime Gérard, marquis de) : Né le 5 Mars 1751 à Paris. Fils du Gouverneur des Indes françaises décapité en 1766, il entre dans l'armée en 1773 et démissionne en 1785. Elu aux Etats Généraux par la noblesse de Paris, il appuie la politique de Necker, milite pour le droit de veto accordé au roi. Il démissionne après les journées des 5 et 6 Octobre et s'exile en Suisse.

Il reviendra en France défendre le roi et sera arrêté après le 10 Août 1792. Il parviendra, après avoir été libéré, à gagner Londres. Revenu à Bordeaux, il délaissera la vie politique jusqu'à la fin de l'Empire. Louis XVIII le fera pair de France et il sera membre de l'Académie Française. Il mourra à Paris le 10 Mars 1830.

 

(2)   Cité par Duc de CASTRIES " Mirabeau"  op. cit. Page 352

 

(3)  LAMETH  (Alexandre Théodore Victor de) : Né à Pris le 28 Octobre 1760. Il participe à la guerre d'Indépendance américaine et est colonel de cavalerie lorsqu'il est élu aux Etats Généraux par la noblesse d'Artois. Il se rallie rapidement au Tiers Etat et devient un ardent opposant à la monarchie.

Après la fuite de Varennes, il tentera, tardivement, de se rapprocher du Roi, mais il sera contraint de se livrer aux Autrichiens avec La Fayette* après les événements du 10 Août 1792.

 

LAMETH (Charles Malo François de) : Né à Paris le 5 Octobre 1757, il participe à la guerre d'indépendance américaine en compagnie de son frère et, comme lui,  est gagné par les idées nouvelles. Elu par la noblesse aux Etats Généraux, il se rapproche du Tiers Etat. Fait partie du Club des Feuillants.

Promu Maréchal de Camp en Février 1792, il désapprouvera l'insurrection du 10 Août 1792 avant de quitter la France.

Il reviendra pour se rallier au Consulat et à l'Empire et sera nommé Général de Brigade puis Lieutenant Général sous Louis XVIII en 1814.

Il mourra à Paris en Décembre 1832.

 

(4)   On peut constater que Mirabeau règle ici ses comptes avec la noblesse. On se souvient qu’il a été exclu de l’ordre de la Noblesse à Aix lors de la campagne des élections aux Etats généraux.

 

(5)   Cité par Guy CHAUSSINAND-NOGARET  " Mirabeau entre le roi et la Révolution"  op. cit. Pages 275 à 286

 

(6)  ORLEANS : Duc d'Orléans dit Philippe Egalité. Descendant en ligne directe du frère de Louis XIV, il devient Duc d'Orléans à la mort de son père en 1785. A la tête d'une des plus grosses fortunes de France, il est dépensier et jouisseur, parfois même débauché. Elu par la noblesse aux Etats Généraux, il est l'un des tous premiers à se réunir au Tiers Etat.

Soupçonné d'avoir voulu supplanter Louis XVI* sur le trône, il ne cessera de nier ce fait durant son procès.

Il siège à l'extrême gauche de la Constituante et sera élu par les parisiens à la Convention après avoir pris le nom "républicain"  de Philippe Egalité. Il votera la mort du roi.

Arrêté le 6 Avril 1793, il sera guillotiné le 6 Novembre de la même année.

 

(7)   LACLOS  (Pierre Ambroise François Choderlos de) : Né à Amiens le 18 Août 1741. Elève de l'Ecole d'Artillerie de la Fère en 1759, il fait une carrière dans l'armée et acquiert la célébrité en 1782 avec ses "Liaisons Dangereuses".

Puis, il devient le Secrétaire du Duc d'Orléans sur lequel il aura longtemps une très grande influence. Un des premiers inscrits au Club des Jacobins, Laclos lance le "Journal des Amis de la Constitution" financé, bien sûr, par d'Orléans.

Initiateur, avec le Duc, des journées des 5 et 6 Octobre 1789, il partage son "exil" en Angleterre dans les mois qui suivent. Rentrés en Juillet 1790, ils intriguent, en particulier lors de la fuite du roi à Varennes, pour faire placer son frère sur le trône.
Danton le nommera, après le 10 Août 1792, commissaire du Pouvoir Exécutif, puis il sera détaché auprès de Luckner pour le surveiller. Il parvient à se faire nommer général, puis Chef d'Etat Major de l'armée des Pyrénées et enfin Gouverneur des Etablissements Français en Inde.

Arrêté avec d'autres Orléanistes le 31 Mars 1793, il échappera à la guillotine. Il contribuera quelque temps plus tard, au coup d'Etat du 18 Brumaire et réintégrera l'armée avec son grade de Général le 16 Janvier 1800.

Il mourra de dysenterie à l'armée de Naples le 5 Septembre 1803.

 

 

 

 

 

ILLUSTRATION : Louis Philippe d'Orléans dit "Philippe Egalité"

 

 

 

 

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