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7 mars 2018 3 07 /03 /mars /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (34/50)

 

Procès de Louis XVI* Devant la Convention Nationale

11 décembre 1792

 

 

 

 

 

 

LE PROCES DU ROI : NOVEMBRE / DECEMBRE 1792 - JANVIER 1793

   

 

 

 

 

    Depuis le 16 Octobre 1792, date à laquelle il a été saisi, le Comité de Législation étudie la  procédure à suivre pour le jugement de Louis XVI*. C'est le 7 Novembre, par la voix de Mailhé (1), qu'il rend ses conclusions aux députés : « le Roi peut être jugé et il ne peut invoquer l'inviolabilité qui lui est, théoriquement, accordée par la Constitution de 1791 puisqu'il est reconnu qu'il a lui-même violé cette Constitution ».

    Par contre, il est convenu que Louis XVI* ne sera pas jugé par un tribunal ordinaire mais par les députés de la Convention représentant le peuple.

 

    La discussion s'ouvre le 13 Novembre par un long discours de Saint-Just* qui, bien qu'intervenant pour la première fois à la tribune, fait une très forte impression sur l'Assemblée, y compris dans les rangs des Girondins (2).

    Des responsables Girondins qui, dès l'ouverture du procès, vont éviter de s'engager dans ce débat qu'ils n'ont pas souhaité. Ils ont déjà choisi leur stratégie : faire traîner en longueur, gagner du temps, mettre en œuvre tous les artifices de procédure possibles. C'est ainsi que Buzot, le lendemain du discours de Saint-Just*, intervient pour proposer une motion : « Vous me parlez », dit-il, « que de  Louis XVI* et non de sa famille; or moi, républicain, je ne veux point de la race des Bourbons ». Autrement dit, Buzot demande que l'on fasse le procès du Roi mais aussi celui de Marie Antoinette* et de Philippe Egalité (3) qui, lui, siège depuis peu sur les bancs de la Montagne. Intervention habile qui met le groupe Montagnard dans l'embarras, d'autant plus que Danton* a appuyé, un peu inconsidérément, la motion de Buzot. Mais, la découverte, le 20 Novembre, de « l'armoire de fer », le placard secret de Louis XVI* contenant des documents qui attesteraient de ses tractations avec les puissances étrangères, vient à point et coupe court, pour un temps au moins, à toutes les manœuvres de diversion tentées par la Gironde.

    Le 3 Décembre Robespierre reprend l'argumentation de Saint-Just* et tente, à nouveau, de démontrer à la Convention qu'il n'y a pas de procès à faire au Roi :

 

«  Louis fut roi et la République est fondée; la question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots. Louis dénonçait le peuple français comme rebelle; il a appelé, pour le châtier, les armées des tyrans ses confrères, la victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle; Louis ne peut donc être jugé, il est condamné ou la République n'est point absoute. »

«  Proposer de faire le procès de Louis XVI*, de quelque manière que ce puisse être, c'est rétrograder vers le despotisme royal et constitutionnel; c'est une idée contre-révolutionnaire, car c'est mettre la Révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l'objet d'un procès, Louis peut être absous; il peut être innocent. Que dis-je ? Il est présumé l'être jusqu'à ce qu'il soit jugé. Mais si Louis est absous, si Louis peut être présumé innocent, que devient la Révolution ? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la liberté deviennent des calomniateurs. Tous les rebelles étaient les amis de la vérité et les défenseurs de l'innocence opprimée; tous les manifestes des cours étrangères ne sont que des réclamations légitimes contre une faction dominatrice. La détention même que Louis à subie jusqu'à ce moment, est une vexation injuste; les fédérés, le peuple de Paris, tous les patriotes de l'Empire français sont coupables; et ce grand procès, pendant au tribunal de la nature, entre le crime et la vertu, entre la liberté et la tyrannie, est enfin décidé en faveur du crime et de la tyrannie. »  (4)

 

    Le raisonnement de l'Incorruptible cause une profonde impression sur l'Assemblée. Aucun des membres présents, ce jour là, n'oserait prétendre que la démonstration n'est pas cohérente. Nul doute que les députés, lorsqu'il s'agira de se prononcer sur le sort du roi, auront gardé en mémoire les arguments de Robespierre.

    Quant à la peine qui doit être appliquée au monarque, une très grande majorité pense déjà à la peine capitale. Or, on se souvient que Maximilien à demandé un vote à l'Assemblée Constituante pour l'abolition de la peine de mort. Il y a donc pour lui contradiction à réclamer cette peine pour Louis. Il tient, par conséquent, à s'en expliquer à l'avance :

 

«  Avocats du roi, est-ce par pitié ou par cruauté que vous voulez le soustraire à la peine de ses crimes ? Pour moi, j'abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois, je n'ai pour Louis ni amour ni haine; je ne hais que ses forfaits. J'ai demandé l'abolition de la peine de mort à l'assemblée que vous nommez encore constituante, et ce n'est pas de ma faute si les premiers principes de la raison lui ont paru des hérésies morales et politiques. »

«  Mais, si vous ne vous avisâtes jamais de les réclamer en faveur de tant de malheureux dont les délits sont moins les leurs que ceux du gouvernement, par quelle fatalité vous en souvenez-vous seulement pour plaider la cause du plus grand de tous les criminels ? Vous demandez une exception à la peine de mort pour celui-là seul qui peut la légitimer. Oui, la peine de mort est en général un crime, et c'est par cette raison seule que, d'après les principes indestructibles de la nature, elle ne peut être justifiée que dans le cas où elle est nécessaire à la sûreté des individus ou du corps social. Or jamais la sûreté publique ne la provoque contre les délits ordinaires, parce que la société peut toujours les prévenir par d'autres moyens et mettre le coupable dans l'impuissance de lui nuire. Mais un roi détrôné, au sein d'une Révolution qui n'est rien moins que cimentée par les lois, un roi dont le nom seul attire le fléau de la guerre sur la nation agitée, ni la prison ni l'exil ne peuvent rendre son existence indifférente au bonheur public, et cette cruelle exception aux lois ordinaires que la justice avoue, ne peut être imputée qu'à la nature de ses crimes. Je prononce à regret cette fatale vérité... Mais Louis doit mourir parce qu'il faut que la patrie vive. Chez un peuple paisible, libre et respecté au-dedans comme au-dehors, on pourrait écouter les conseils qu'on vous donne d'être généreux. Mais un peuple à qui l'on dispute encore sa liberté, après tant de sacrifices et de combats, un peuple chez qui les lois ne sont encore inexorables que pour les malheureux, un peuple chez qui les crimes de la tyrannie sont des sujets de disputes doit désirer qu'on le venge. »  (5)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (34/50)

 

Louis XVI* au Temple, la veille de son exécution 

20 janvier 1793

 

 

    Et Robespierre, qui pense avoir décelé la tactique des Girondins, tente de les mettre au pied du mur : il achève son discours en demandant aux députés de prononcer, dès maintenant, la sentence.

 

« .. Je vous propose de statuer dès ce moment sur le sort de Louis. Quant à sa femme, vous la renverrez aux tribunaux.. son fils sera gardé au Temple jusqu'à ce que la paix et la liberté publique soient affermies. »

« Pour lui, je demande que la Convention le déclare dès ce moment traître à la Nation française, criminel envers l'humanité; je demande qu'il donne un grand exemple au monde dans le lieu même où sont morts le 10 Août les généreux martyrs de la Liberté; je demande que cet événement mémorable soit consacré par un monument destiné à nourrir dans le cœur des peuples le sentiment de leurs droits et l'horreur des tyrans, et dans l'âme des tyrans, la terreur salutaire de la justice du peuple.. » (6)

 

    Mais la Convention qui a admiré l'éloquence des propos de l'Incorruptible ne le suit pas dans ses conclusions.. Le lendemain 4 décembre, Petion ayant demandé que la Convention nationale restât en permanence tous les jours, depuis dix heures du matin jusqu’à six heures du soir, pour terminer et le jugement de Louis XVI*, el la loi sur les émigrés, et celles sur les subsistances, Robespierre paraît à nouveau à la tribune. Une partie de l’assemblée se lève, et réclame la clôture de la discussion. Il va s’en suivre un tumulte qui montre à quel point les députés sont sur les nerfs. La Gironde va dérouler son plan pour tenter de sauver le roi. Pour l’instant elle ne cherche qu’à gagner du temps…

 

ROBESPIERRE : « Je demande enfin la parole en vertu de mon droit de représentant du peuple. Vous ne pouvez me la ravir…. »

 

PUSIEURS VOIX : « Nous pouvons fermer la discussion. »

 

ROBESPIERRE : « Il faut que vous m’entendiez, puisque je vous annonce que j’ai une proposition nouvelle à énoncer: car s’il était décidé qu’il faut venir d’un certain côté, et parler le langage convenu, pour avoir la parole… »

 

Les murmures continuent dans une partie de l’assemblée; l’autre côté réclame la parole pour Robespierre.

 

ROBESPIERRE : « Je demande, président, que la dignité de l’assemblée soit maintenue par vous. Je dénonce à la nation ces atteintes continuelles portées à k liberté des suffrages. »

 

UNE VOIX: « Je dénonce le despotisme.de Robespierre »

 

ROBESPIERRE : «  Je réclame contre cette intrigue abominable. »

 

DES CRIS : « A bas de la tribune !.. » « A l’Abbaye !... »

 

DUQUESNOY :  s’avançant an milieu de la salle. « Je demande, président, que vous réprimiez les clameurs de ce côté droit, car il est ressuscité parmi nous. »

 

PLUSIEURS VOIX : « Et les vôtres. »

 

THURIOT : «  Je demande que tous les membres qui se permettront des personnalités soient rappelés à l’ordre. Il est temps que toutes les personnalités disparaissent devant l’intérêt général. »

 

Le président se dispose à consulter l’assemblée sur le point de savoir si Robespierre sera entendu. Robespierre quitte la tribune. Réclamations bruyantes d’une partie de l’assemblée. Murmures des tribunes. Quelques membres demandent la parole contre le président.

 

DES VOIX : « Il faut qu’on entende Robespierre, ou nous n’entendrons personne ».

 

L’agitation se fait sentir dans l’assemblée et dans les tribunes.

 

LE PRESIDENT : «  Si l’on veut faire silence, je maintiendrai la liberté des opinions. Robespierre, vous avez la parole. »

 

Robespierre traverse la salle au milieu des applaudissements tumultueux des spectateurs et d’une partie de l’assemblée. Il remonte à la tribune. Les applaudissements continuent.

 

ROBESPIERRE : «  Citoyens, je vous prie de vouloir me permettre d’exprimer librement ma pensée. »

 

UNE VOIX : «  Non. »

 

II s’élève un murmure général.

 

BIROTTEAU, LINDON, REBECQUI tous ensemble : « Consultez donc l’assemblée pour savoir si nous serons obligés d’entendre Robespierre. »

 

LE PRESIDENT : «  Je maintiendrai la liberté des opinions »

 

ROBESPIERRE : «  Je demande à exprimer ma pensée aussi librement… »

 

PLUSIEURS VOIX : « Au fait, à la question. »

 

ROBESPIERRE : «  On me rappelle aux bornes de la question; je dis que ces bornes ne peuvent être que celles que me tracent l’intérêt du salut public et le danger de prolonger le désordre où nous nous trouvons. Je vous dénonce un projet formé de perdre la Convention nationale, en mettant le trouble dans son sein. »

 

Des applaudissements s’élèvent de tous les côtés.

 

ROBESPIERRE : « Pour que vous jugiez le ci-devant roi, il faut que vous soyez dans un état de délibération calme et digne de vous. Avant de juger le dernier des hommes, il faut être justement pénétré des principes de la justice et de l’intérêt publie. Rien n’est plus contraire à cet intérêt suprême que l’habitude où l’on est d’empêcher sans cesse certains membres d’exprimer librement leurs pensées, desquelles cependant peut dépendre quelquefois la sagesse de vos délibérations. C’est pour vous rappeler ces principes que je suis monté à cette tribune, et ai l’on m’eu conteste le droit, on porte par là même une atteinte à la souveraineté du peuple, en privant du droit de suffrage un seul de ses représentants. Croyez-vous qu’il ne soit pas plus satisfaisant pour vous, et d’un meilleur augure pour le salut public, qu’on vous voie délibérer avec calme, que si l’on voit des orateurs, contre lesquels des préventions perfides ont été suscitées par l’ignorance et la calomnie, être arrêtés à chaque instant par des chicanes plus dignes du palais que des fonctions augustes que vous êtes appelés à remplir? »

 

Applaudissements d’une partie des membres et des spectateurs

 

ROBESPIERRE : «  Mon devoir est donc de me plaindre de la violation plusieurs fois répétée, qui a été faite en ma personne, du droit de représentant, par des manœuvres multipliées, et je dénonce l’intention où l’on paraît être de mettre le trouble dans l’assemblée, en faisant opprimer une partie par l’autre. »

 

Mêmes applaudissements des tribunes. Le président leur ordonne le silence

 

ROBESPIERRE :  « Aujourd’hui plusieurs mesures fatales au bien public sont sorties de ce tumulte. Si on avait écouté des explications nécessaires, qui auraient en même temps contribué à diminuer les préventions et les méfiances, on aurait peut-être adopté une mesure grande, qui aurait honoré la Convention: c’était de réparer l’outrage fait à la souveraineté nationale par une proposition qui supposait qu’une nation avait le droit de s’asservir a la royauté. Non. C’est un crime pour une nation de se donner un roi. »

 

QUELQUES VOIX : « Ce n’est plus la question. »

 

ROBESPIERRE : « Ce qu’il m’a été impossible de proposer dans le tumulte, je le propose dans le calme de l’assemblée nationale, réfléchie et pensant aux intérêts de la patrie. Je demande que d’abord il soit décrété en principe que nulle nation ne peut se donner un roi. »

 

UNE VOIX : » Le renvoi au congrès général des nations! »

 

ROBESPIERRE : «  Je dis que l’assemblée a perdu la plus belle occasion de poser, sinon par un décret au moins par une déclaration solennelle, la seule borne qui convienne au principe trop illimité, et souvent mal entendu, de la souveraineté des peuples. Vous voyez que la sagesse des délibérations tient plus que vous ne pensez au calme des discussions. C’est ainsi que tout-à-l’heure vous alliez, dans le tumulte et sans m’entendre, porter un décret qui aurait l’influence la plus funeste sur le jugement du ci-devant roi. En effet, la question ne peut plus être pour des Français libres, pour des hommes sincèrement, profondément pénétrés de l’horreur de la tyrannie; elle ne peut plus être de savoir si nous nous tiendrons en séance permanente pour juger Louis Capet; car cette permanence pourrait produire de funestes longueurs; la lassitude amènerait une décision fatale. Quelle est donc la mesure que vous devez prendre? C’est de juger sur-le-champ, sans désemparer. Remarquez bien que cette question, qui ne vous paraît qu’une question minutieuse de forme, aura cependant une influence nécessaire sur le sort de Louis XVI*; car votre décision sur ce point entraînera la question de savoir si Louis XVI* doit être jugé en vertu de l’insurrection, ou s’il faut lui faire un procès d’après les règles ordinaires. »

 

On observe qu’il a été décidé que Louis XVI* serait jugé.

 

ROBESPIERRE : «  Il ne faut pas s’envelopper d’une équivoque. L’assemblée n’a pas décrété qu’il y aurait un procès en forme; seulement elle a décidé qu’elle prononcerait elle-même le jugement ou la sentence du ci-devant roi. Je soutiens que, d’après les principes, il faut le condamner sur-le-champ à mort, en vertu d’une insurrection. » (7)

 

    Un mouvement d’approbation se manifeste dans les tribunes. Des murmures se font entendre dans une grande partie de l’assemblée.

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (34/50)

 

Exécution de Louis XVI* - 21 janvier 1793

 

 

    L'Assemblée s’est donc érigée en cours de justice. Le procès proprement dit débute, le 11 Décembre, par la lecture de l'acte d'accusation préparé par Lindet  (8).

    Les Girondins tentent alors une nouvelle diversion pour encore gagner du temps et essayer de sauver le Roi : ils demandent « l'Appel au Peuple ». Par la voix de Vergniaud, ils font valoir que seul le peuple peut retirer à Louis l'inviolabilité que lui accorde la Constitution, votée par les représentants du peuple. Robespierre s'indigne de cette nouvelle manœuvre et dénonce le plan de ses adversaires :

 

«  Oui, sans doute, il existe un projet d'avilir la Convention et de la dissoudre peut être à l'occasion de cette interminable affaire; il existe, non pas dans ceux qui réclament avec énergie le principe de la liberté; non pas dans ceux qui ne sont que les dupes d'une intrigue fatale, mais dans une vingtaine de fripons qui font mouvoir tous ces ressorts (...) Je demande que la Convention nationale déclare Louis coupable et digne de mort.. » (9)

 

   Il répond, par ailleurs, à l'argumentation des Girondins dans une « Lettre à mes Commettants » de début Janvier 1793 :

 

«  Le peuple a déjà prononcé deux fois sur Louis :

1) Lorsqu'il prit les armes pour le détrôner, pour le chasser (..)

2)Lorsqu'il vous imposa le devoir sacré de le condamner de manière éclatante pour le salut de la Patrie et pour l'exemple du monde... Exposer l'Etat à ces dangers, dans la crise d'un gouvernement qui doit naître, à l'approche des ennemis ligués contre nous, qu'est-ce autre chose que vouloir nous ramener à la royauté par l'anarchie et la discorde.. » (10)

 

    Mais le jugement du Roi est finalement mis en délibération lors de la séance du 15 Janvier. On demande aux députés de répondre à  ces trois questions :

 

1°  Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la Liberté publique et d'attentats contre la sûreté nationale ?

2°   Y aura-t-il appel au peuple de la sentence rendue ?

3°   Quelle sera la peine infligée à Louis ?

 

    La culpabilité est votée à l'unanimité moins quelques abstentions. L'Appel au Peuple est rejeté par 424 voix contre 287 et 10 abstentions (11). La Gironde a échoué, une nouvelle fois....

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (34/50)

 

LEPELETIER de SAINT-FARGEAU sur son lit de mort 

21 janvier 1793

 

 

    Il s'agit maintenant de décider quelle sera la peine infligée au Monarque et c'est le lendemain que les députés, à l'appel de leur nom, montent à la tribune et donnent leur verdict. La séance durant laquelle va se jouer le sort de Louis XVI* est interminable : l'appel nominal va durer presque trente-six heures. Robespierre, comme d'autres de ses collègues, prononce une brève allocution pour expliquer son vote :

 

«  Nous sommes les représentants du peuple envoyés ici pour cimenter la liberté en condamnant un tyran. Je ne saurais comment outrager la raison ou la justice en regardant la vie d'un despote comme plus précieuse que celle du plus humble citoyen; je ne saurais comment mettre mon esprit à la torture pour trouver un subterfuge capable de soustraire un grand coupable au châtiment que ses complices ont déjà subi. Je suis inflexible pour les oppresseurs parce que je suis compatissant pour les opprimés; je ne connais point l'humanité qui égorge les peuples et qui pardonne aux despotes. Le sentiment qui m'a porté, mais en vain, à demander, dans l'Assemblée Constituante, l'abolition de la peine de mort, est le même qui me force aujourd'hui à demander qu'on l'applique au tyran et à la royauté elle-même en sa personne.

Je vote pour la mort. »  (12)

 

    La peine de mort est prononcée le 17 Janvier 1793, par 387 voix contre 334; 26 députés votent la mort avec sursis. Le sursis est repoussé le lendemain par 380 voix contre 310.

 

    Le 21 Janvier, le Roi est exécuté sur la Place de la Révolution (13), comme un simple citoyen. Il tente de s'adresser, une dernière fois, au peuple de Paris qui est venu en masse autour de l'échafaud; mais les tambours de la garde nationale, commandés par Santerre (14), couvrent sa voix.

 

    La mort de Louis XVI* déclenche la fureur de la plupart des cours européennes qui vont lancer contre la Révolution, une guerre implacable. A compter de ce jour, les frontières de la France et la liberté, si chèrement acquises depuis 1789, devront être défendues pied à pied.

 

    A l'intérieur, le procès du Roi a modifié considérablement l'équilibre, déjà précaire, de la Convention. Les Girondins, majoritaires en Septembre 1792 avec l'appui du Centre, ne le sont plus. Toutes leurs tentatives pour sauver Louis XVI* ont échoué. A l'Assemblée aussi, la guerre est déclarée : Montagnards et Girondins vont se livrer un combat sans merci.

    La colère des Girondins est grande, les rancœurs accumulées pendant ces deux derniers mois vont être très longues à dissiper. Ils ont, en effet, beaucoup tenté pour sauver le Roi; ils ont déployé beaucoup d'efforts, usé de tous les stratagèmes et aussi fait preuve de beaucoup d'éloquence, de courage et de ténacité; chaque fois, en pure perte. Aussi, le 20 Janvier, comme pour se venger, ils font voter, sur proposition de Guadet (15), des poursuites contre les auteurs des massacres de Septembre. Mais, dès le lendemain, le décret est rapporté quand on apprend l'assassinat du Conventionnel Le Pelletier de Saint-Fargeau (16) par un garde du corps.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   MAILHE  (Jean) : Elu de la Haute Garonne à la Convention, c'est lui qui est chargé de présenter à l'Assemblée le rapport de mise en accusation de Louis XVI*. Appelé par le tirage au sort à voter le premier, il votera la mort avec sursis.

 

(2)   Voir SAINT JUST*

 

(3)   Philippe EGALITE : Duc d'Orléans dit Philippe Egalité. Descendant en ligne directe du frère de Louis XIV, il devient Duc d'Orléans à la mort de son père en 1785. A la tête d'une des plus grosses fortunes de France, il est dépensier et jouisseur, parfois même débauché. Elu par la noblesse aux Etats Généraux, il est l'un des tout premier à se réunir au Tiers Etat.

Soupçonné d'avoir voulu supplanter Louis XVI* sur le trône, il ne cessera de nier ce fait durant son procès.

Siégeant à l'extrême gauche de la Constituante, il est élu par les parisiens à la Convention après avoir pris un nom "républicain" et avec l'appui de Danton*. Il votera la mort du roi.

Arrêté le 6 Avril 1793, il sera guillotiné le 6 Novembre de la même année.

 

(4)   cité par Ernest HAMEL  "Histoire de Robespierre"  op. cit. Vol. 2, pages 561-562

 

(5)   idem pages 563-564

 

(6)   cité par Jean-Denis BREDIN  "Sieyès"  op. cit. page 243

 

(7)  Discours de Maximilien Robespierre à la Convention Nationale le 4 décembre 1792

 

(8)   LINDET (Robert Thomas) : Né à Bernay le 13 Novembre 1743. Curé de Bernay en 1789, il est élu par le clergé d'Evreux aux Etats Généraux. Adhérant très vite à la Constitution Civile du Clergé, il est élu Evêque Constitutionnel de l'Eure en 1791. Elu à la Convention par le département de l'Eure, il votera la mort du roi.

Réélu au Conseil des Anciens en 1796 puis en 1798 mais cette élection sera invalidée. Il se retirera à Bernay jusqu'à sa mort en 1825.

 

(9)   cité par Gérard WALTER  "Robespierre" op. cit. page 357

 

(10)   Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 273

 

(11)  Précisions données par Gérard WALTER  "Robespierre"  op. cit. page  359

 

(12)  R. KORNGOLD  "Robespierre"  op. cit. page 201

         et Ernest HAMEL  "Histoire de Robespierre"  op. cit. Vol.2, page 600

 

(13)  actuellement Place de la Concorde

 

(14) SANTERRE  (Antoine Joseph) : Riche brasseur du Faubourg Saint-Antoine, il est nommé Commandant général de la garde nationale après le 10 Août 1792. A ce titre, il accompagne Louis XVI* à l'échafaud. Il demande alors un commandement militaire en Vendée mais il se montre incapable d'assurer les missions qui lui sont confiées. Rappelé à Paris, il sera incarcéré jusqu'au 9 Thermidor. Il mourra ruiné en 1809.

 

(15) GUADET  (Marguerite Elie) : Né à Saint-Emilion le 20 Juillet 1758. Avocat à Bordeaux, il est élu à la Législative puis de nouveau à la Convention. Avec Gensonné et Vergniaud*, il est à l'origine du groupe des Girondins. Orateur éblouissant, il s'en pendra à Robespierre* avec beaucoup de talent. Il sera, bien sûr, proscrit avec les Girondins le 2 Juin 1793. Caché dans le Calvados puis à Saint-Emilion, il est finalement arrêté et guillotiné le 17 juin 1794 à Bordeaux en compagnie de son père, sa tante et son frère.

 

(16)  LE PELLETIER de SAINT-FARGEAU (Louis Michel) : Né à Paris le 29 Mai 1760. Conseiller au Parlement en 1779, il est élu aux Etats Généraux par la noblesse de la capitale. Il devient alors un ardent défenseur du Tiers. Elu de l'Yonne à la Convention, il votera la mort du roi et élaborera un plan d'organisation de l'instruction publique.

La veille de l'exécution de Louis XVI*, il est assassiné par un garde du corps, les royalistes ne lui ayant pas pardonné sa "trahison". Il deviendra un martyr de la Révolution.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (35/50)

 

LA CONVENTION ET LA GUERRE :

NOVEMBRE 1792 - MARS 1793

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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