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19 mars 2018 1 19 /03 /mars /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (46/50)

 

François-Louis BOURDON dit BOURDON de L’OISE

 

 

 

  

LA GRANDE TERREUR : JUIN 1794

   

 

 

 

 

    Les excès de la déchristianisation, la lutte des factions qui n'a pu se régler que par l'élimination des Girondins, des Hébertistes puis de Danton* et ses amis, et maintenant les atteintes à sa personne, conduisent Robespierre à décider la mise en place d'une action judiciaire encore plus souple, plus rapide, plus efficace. Ceux qui s'opposent à la marche en avant de la République doivent être pourchassés inlassablement, puis jugés, et condamnés rapidement. Il est donc nécessaire de simplifier encore les procédures judiciaires.

    C'est cette simplification qui est instituée par la loi du 10 Juin 1794 (22 Prairial an II). Elle est présentée par Couthon, au nom du Comité de Salut Public seul. Le Comité de Sûreté Générale, dont c’est pourtant la mission, n'a même pas été associé à la préparation de ces textes ! Robespierre ne s’appuie maintenant que sur ses proches : Couthon, Saint-Just*, les seuls en qui il a encore confiance..

    La loi renforce les pouvoirs et les moyens du tribunal révolutionnaire; elle donne, dans son Art.6 une nouvelle définition, considérablement élargie, des « ennemis du peuple ». On inclue dans cette appellation « ceux qui auront cherché à égarer l'opinion », « à dépraver les mœurs et à corrompre la conscience publique.. ».

 

« Sont réputés ennemis du peuple :

« Ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention Nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain, dont elle est le centre ;

« Ceux qui auront trahi la République dans le commandement des places et des armées ou dans tout autre location militaire, entretenu des intelligences avec les ennemis de la République, travaillé à  faire manquer les approvisionnements ou le service des armées ;

« Ceux qui auront cherché à empêcher les approvisionnements de Paris, ou causé la disette dans la République ;

« Ceux qui auront secondé les projets des ennemis de la France, soit en favorisant la retraite et l’impunité des conspirateurs et de l’aristocratie, soit en persécutant et calomniant le patriotisme, soit en corrompant les mandataires du peuple, soit en abusant des principes de la révolution, des lois ou des mesures du gouvernement, par des applications fausses et perfides ;

« Ceux qui auront trompé le peuple, ou les représentants du peuple, pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté ;

« Ceux qui auront cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la République ;

« Ceux qui auront cherché à égarer l’opinion et empêcher l’instruction du peuple, à dépraver les mœurs et à corrompre la conscience publique, à altérer l’énergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains ou à en arrêter les progrès, soit par des écrits contre-révolutionnaires ou insidieux, soit par tout autre machination ;

« Les fournisseurs de mauvaise foi qui compromettent le salut de la République et les dilapidateurs de la fortune publique autres que ceux compris dans les dispositions de la loi du 7 Frimaire ;

« Ceux qui, étant chargés de fonctions publiques, en abusent pour servir les ennemis de la Révolution, pour vexer les patriotes, pour opprimer le peuple ;

« Enfin tous ceux qui sont désignés dans les lois précédentes, relatives à la punition des conspirateurs et contre-révolutionnaires, et qui, par quelques moyens que ce soit et de quelques dehors qu’ils se couvrent, auront attenté à la liberté, à l’unité, ou à la sûreté de la République, ou travaillé à en empêcher l’affermissement. »

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (46/50)

 

Exécution Place de la Révolution à Paris

(actuellement Place de la Concorde).

 

 

    La loi supprime aussi l'interrogation préalable des accusés (Art.12), leur possibilité de défense (Art.16) : « les défenseurs naturels et les amis nécessaires des patriotes accusés, ce sont les jurés patriotes; les conspirateurs ne doivent en trouver aucun ». Elle autorise les jurés à se contenter de « preuves morales » pour rendre leur verdict (Art. 13); enfin, elle ne laisse le choix au tribunal qu'entre l'acquittement ou la mort.

 

    Robespierre qui préside la Convention soutient, bien évidemment, le projet de loi présenté par Couthon et demande un vote immédiat, alors que certains réclament déjà l'ajournement :

 

« Quoique la liberté de demander un ajournement soit incontestable, quoiqu'on la couvre de motifs spécieux peut-être, cependant elle n'en compromettrait pas moins évidemment le salut de la patrie (..) Qu'on l'examine cette loi, et au premier aspect on verra qu'elle ne renferme aucune disposition qui ne soit adoptée d'avance par tous les amis de la liberté. Il n'est pas naturel qu'il s'élève une sorte de coalition contre le gouvernement qui se dévoue pour le salut de la patrie. »

« Citoyens, on veut vous diviser. Citoyens, on veut vous épouvanter. Eh bien ! Qu'on se rappelle que c'est nous qui avons défendu une partie de cette Assemblée contre les poignards que la scélératesse et un faux zèle voulaient organiser contre vous. Depuis deux mois, la Convention est sous le glaive des assassins et le moment où la liberté paraît obtenir un triomphe éclatant est celui où les ennemis de la Patrie conspirent avec le plus d'audace. »

« Nous braverons les insinuations perfides par lesquelles on voudrait tancer de sévérité outrée les mesures que prescrit l'intérêt public. Cette sévérité n'est redoutable que pour les conspirateurs, que pour les ennemis de la liberté et de l'humanité. »

« Quiconque est embrasé par l'amour de la Patrie accueillera avec transport les moyens d'atteindre et de frapper son ennemi.. »  (1)

 

    Bourdon de l'Oise (2) remonte courageusement à la charge pour demander une nouvelle fois l'ajournement des décrets proposés par Couthon et c'est Robespierre qui doit, à nouveau, intervenir avec un peu plus de fermeté :

 

« Je demande que le projet soit discuté article par article et séance tenante (...) Quand on est bien pénétré des dangers de la patrie et de ceux que courent ses défenseurs, dans quelque lieu qu'ils se trouvent, quelque poste qu'ils occupent, on est plus enclin à porter des coups rapides contre ses ennemis, qu'à provoquer des lenteurs qui ne sont que des délais pour l'aristocratie qui les emploie à corrompre l'opinion et à former de nouvelles conspirations... »  (3)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (46/50)

 

Georges COUTHON

 

 

    Couthon, dans sa présentation du projet, n'a pas caché aux députés que la loi qu'il propose est moins une loi de justice qu'une loi d'extermination : « le délai pour punir les ennemis de la Patrie ne doit  être que le temps de les reconnaître, il s'agit moins de les punir que de les anéantir.. »  (4)

    Bourdon revient, le lendemain, sur le texte voté la veille, insinuant que la loi qui venait d’être votée revenait sur le principe « aucune arrestation d'un membre de la Convention sans un décret préalable ». Couthon s'indigne que l'on ait pu soupçonner le Comité d'usurper le pouvoir comme l'a sous-entendu Bourdon. Puis c'est Robespierre, également furieux, qui intervient dans le même sens :

 

ROBESPIERRE : « On a voulu faire croire que le projet présenté par le Comité attentait aux droits de la représentation nationale, ce qui est faux. Ce serait outrager la patrie, ce serait assassiner le peuple que de souffrir que quelques intrigants, plus méprisables que les autres, parce qu'ils sont plus hypocrites, s'efforçassent d'entraîner une portion de cette Montagne et de s'y faire les chefs d'un parti. »

 

BOURDON de L'OISE : « Jamais il n'est entré dans mes intentions de me faire chef d'un parti... »

 

ROBESPIERRE : « Ce serait l'excès de l'opprobre que quelques-uns de nos collègues, égarés par la calomnie, sur nos intentions et sur le but de nos travaux.... »

 

BOURDON de L'OISE : « ... Je demande qu'on prouve ce qu'on avance; on vient de dire clairement que j'étais un scélérat..... »

 

ROBESPIERRE :  « ... Je demande, au nom de la patrie, que la parole me soit conservée. Je n'ai pas nommé Bourdon. Malheur à qui se nomme lui-même !... »

 

BOURDON de L'OISE : « Je défie Robespierre de prouver .... »

 

ROBESPIERRE : « ... Mais s'il veut se reconnaître au portrait général que le devoir m'a forcé de tracer, il n'est pas en mon pouvoir de l'en empêcher. Oui, la Montagne est pure, elle est sublime, et les intrigants ne sont pas de la Montagne (..) Si les vérités que je viens de proférer ont été entendues, nous continuerons nos travaux avec courage. Observez toutefois que nous avons besoin d'encouragements, qu'on a tout fait pour rendre notre carrière pénible. C'est assez d'avoir à lutter contre les rois conjurés et contre tous les monstres de la terre, sans trouver à nos côtés des ennemis. Venez donc à notre secours; ne permettez pas que l'on nous sépare de vous, puisque nous ne sommes qu'une partie de vous-mêmes, et que nous ne sommes rien sans vous. Donnez-nous la force de porter le fardeau immense, et presque au-dessus des efforts humains, que vous nous avez imposé. Soyons toujours justes et unis, en dépit de nos ennemis communs.. »  (5)

 

    Les lois votées ce 10 Juin (22 Prairial) vont s'appliquer très rapidement et atteindre les objectifs qui avaient été fixés par leurs auteurs : éliminer tous ceux qui, de près ou de loin, entravent la marche de la Révolution telle que la voient les Saint-Just*, Couthon et Robespierre.

 

    Dès le 14 Juin (26 Prairial), les Comités fournissent à la Convention, un rapport sur la condamnation à mort de cinquante quatre inculpés accusés de complicité avec le baron de Batz !

 

    Entre le 10 Juin (22 Prairial) et le 27 Juillet (9 Thermidor), 1376 accusés seront guillotinés à Paris (6). On dénombrera de 100 à 300 000 suspects emprisonnés; 35 à 40 000 morts selon les estimations de D. Greer (7).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   Jean Denis BREDIN  "Sieyès"  op. cit.  pages 302-303

 

(2)  BOURDON  (François Louis) : Né le 11 Janvier 1758. Procureur au Parlement de Paris, il est élu par le département de L'Oise à la Convention grâce à une supercherie. Ce département avait élu Léonard Bourdon, mais le procès verbal de l'assemblée électorale ayant omis de préciser le prénom, François Louis falsifia le document. Léonard Bourdon, élu dans un autre département, sera quand même député à la Convention.

Intriguant, agité, il occupe très souvent la tribune pour dénoncer et accuser. Il vote la mort du roi et est un des plus violents contre les Girondins.

 Il participera à l'élimination de Robespierre et deviendra un des accusateurs implacables des vaincus. Il sera élu aux Cinq Cents, mais arrêté après le coup d'état du 4 Septembre 1797, il est déporté en Guyane où il meurt le 22 Juin 1798.

 

(3)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton ...."  op. cit. page 516

 

(4)  Albert MATHIEZ  "La Révolution française"  op. cit.  page 567

 

(5)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. pages 521-522

 

(6)   Georges LEFEBVRE  "La Révolution française"  op. cit. page 422

 

(7)   Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 361

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (47/50)

 

L'OPPOSITION S'ORGANISE : JUIN - JUILLET 1794

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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