La Jaguar XKD, qui a tout naturellement succédé en mai 1954 à la XKC - elle-même version compétition de la XK120 de série, tout se tient -, est une automobile entièrement vouée à l'endurance. La nouvelle venue a reçu une mission quasi unique : remporter les « 24 Heures du Mans », la plus grande, la plus célèbre course d'endurance du monde. Trois victoires consécutives, acquises en 1955, 1956 et 1957, lui ont donné quitus de ce mandat...
Voiture de course sans doute, mais également construite pour rouler longtemps, sachant rester sur la chaussée et s'arrêter autrement qu'à l'aide des «bacs à sable» qui garnissent (déjà) les abords des terribles virages du Tertre rouge ou de Mulsanne...
De la Type C, la jeune D reprend l'essentiel de la partie mécanique, du volumineux six-cylindres double arbre de 3 440 cm3 au pont arrière rigide en passant par les suspensions à barres de torsion. Mais on aurait tort de voir en elle une C remise au goût du jour. A l'inverse, si son traditionalisme technique est évident, son châssis monocoque extrêmement rigide et léger, sa carrosserie aux courbes suggestives en font une machine très moderne. En réalité, si ce n'était les suspensions « classiques », on pourrait même parler d'avant-garde : en témoigne, outre le châssis original et l'utilisation des freins à disque Dunlop, son étude aérodynamique effective et poussée. Confiés à un transfuge de l'industrie aéronautique, Malcolm Sayer, la conception et le dessin de la carrosserie sont probablement les premiers à tenir réellement compte de paramètres qui sont aujourd'hui parfaitement maîtrisés, mais que les voitures des années 50 - fussent-elles les plus sportives - ignorent superbement. Ou, au mieux, abordent empiriquement.
La Jaguar D fut l'une des premières voitures au monde à exploiter les connaissances aérodynamiques acquises en particulier dans le domaine de l'aéronautique. La structure même de la D, avec la partie centrale monocoque, le carter sec permettant d'incliner le moteur et donc d'abaisser la ligne du capot ou encore le radiateur en deux parties, tout ceci permit à l'ingénieur Malcolm Sayer, transfuge de chez Bristol, de concevoir en soufflerie une carrosserie très fluide. Capot avant et ailes d'une seule pièce, avec petite ouverture ovale pour le refroidissement, phares carénés, pare-brise très enveloppant qui, dans un premier temps, ne protégeait que la place du pilote, dérive pouvant remodeler le dessin de l'appui-tête... ; même le rétroviseur était soigneusement profilé et, sur les dernières versions, l'échappement latéral fut supprimé pour passer sous la voiture.
Une preuve tangible du bilan aérodynamique favorable de la voiture réside dans la comparaison de quelques données chiffrées d'une part, une vitesse de pointe proche de 280, voire 290 km/h, d'autre part la puissance disponible du 3,4 litres (le moteur de loin le plus courant sur les Type D), à savoir 245 à 250 ch, tout au plus 270 ch sur les voitures les plus abouties. Avec 930 kg à emmener, nous sommes loin des rapports poids/puissance revendiqués par les Ferrari et Maserati concurrentes.
C'est que, chez Jaguar, la catégorie Sport n'a d'intérêt qu'en fonction des épreuves de fond, dites d'endurance, et plus spécialement des prestigieuses « 24 Heures du Mans ». La Jaguar D est donc fabriquée, sur mesure, pour la grande classique mancelle. Sa pointe de vitesse lui permet d'avaler la longue ligne droite des Hunaudières à grande allure; son freinage supérieur lui fait gagner un temps considérable lors des violents et nombreux ralentissements qui jalonnent le tracé du Mans. Lequel, pour le reste, ne pénalise pas un comportement routier parfois aléatoire, conséquence des suspensions archaïques du véhicule. La robustesse à toute épreuve du moteur « six-en-ligne » fait le reste...
C'est bien calculé : si, en 1954, Jaguar, manque de fort peu la victoire, Rolt et Hamilton terminant à quelques secondes de la Ferrari 375 SP «Plus » de Trintignant-Gonzales (4,9 litres et 350 ch!), Hawthorn-Bueb l'emportent en 1955 : triste victoire, acquise dans une course marquée par une terrible catastrophe, mais victoire tout de même... Bueb récidive en 1957, associé cette fois à Ron Flockhart qui, entre-temps, a gagné en 1956 avec Ninian Sanderson.
Lors de ces deux derniers succès, la D victorieuse porte la livrée bleu nuit à parement blanc de l'écurie Écosse. Les « 24 Heures du Mans » en 1957 constituent, pour notre héroïne, l'heure du triomphe absolu, puisque 4 voitures prennent les quatre premières places. Confirmant cette vocation de dure à cuire dès que l'horloge entre enjeu, la Jaguar D ajoute à son palmarès 2 victoires (1954 et 1956) dans les 12 Heures de Reims, et un succès en 1955 aux 12 Heures de Sebring, la dernière des «Trois Glorieuses de l'endurance » de l'époque.
Suite à une modification du règlement régissant les compétitions automobiles, limitant désormais la cylindrée des motorisations à 3 litres, la Jaguar D-Type se retrouve de facto exclue et devient obsolète en 1958.
Je recommande à tous les passionnés de l'automobile et de son histoire les remarquables sites (en anglais) cités ci-dessous. Ils présentent, outre des commentaires et données techniques très complètes, de magnifiques photos sur la production automobile mondiale
ultimatecarpage.com
supercar.net
swisscarsighting.com
mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :
autogaleria.hu
Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)