Barack Obama va jouer son ultime carte pour faire passer la réforme de la santé. Il n'a pas le choix, un échec dans cette réforme emblématique serait pour le président une perte totale de sa crédibilité.
Dans la bouche de Barack Obama, c’est une phrase particulièrement lapidaire: "Après tout, les électeurs nous jugeront sur pièces…" En concluant le sommet télévisé extraordinaire de jeudi sur la réforme de la santé dans la Garden Room de l’annexe de la Maison-Blanche réservée aux dignitaires étrangers de passage, le président américain a donc tranché: le temps des arguments est épuisé, il faut passer à l’action. Eric Cantor, représentant républicain de Virginie et étoile montante des conservateurs, n’a pas attendu longtemps, à sa sortie du débat, pour rétorquer: "Allez-y à vos risques et périls, Monsieur le Président!"
Les barons républicains l’ont seriné à chaque phase de la discussion: le projet visant à assurer 30 millions de citoyens supplémentaires tout en réduisant les dépenses de santé est indigeste, épouvantablement cher et rejeté par une majorité d’Américains. Le risque est donc pour les démocrates, s’ils passent en force, d’être lourdement sanctionnés aux législatives de mi-mandat en novembre prochain.
Faire avec les républicains
Or, à ce stade, le projet existe sous deux moutures différentes adoptées par la Chambre et le Sénat ; mais il doit être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées pour être promulgué par le président. Problème : depuis la défaite sénatoriale surprise des démocrates dans le Massachusetts à la mi-janvier, il n’y a plus de majorité absolue au Sénat pour passer outre à l’obstruction de la minorité républicaine.
Une solution? La procédure de "réconciliation" qui permet de voter à la majorité simple tous les passages de la loi relatifs aux dépenses de l’Etat. Tordu mais efficace. D’ailleurs, les républicains ont utilisé cet artifice procédurier plus d’une vingtaine de fois depuis le début des années 1980 pour faire passer des textes importants. Tout cela sent un peu la manœuvre, mais les leaders démocrates y semblent prêts. "On ne peut pas tout laisser tomber: ce genre d’occasion se présente une fois par génération ", plaide l’ami d’Obama Dick Durbin, sénateur de l’Illinois.
Une autre issue consisterait à faire voter par la Chambre le texte du Sénat, plus restrictif mais qui ressemble comme deux gouttes d’eau au plan personnel du président tel qu’il l’a publié sur Internet en début de semaine. Mais là, c’est l’unité des démocrates qui est en cause. La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, n’est pas sûre du tout de rallier une quarantaine d’élus centristes qui ont voté contre la réforme à la veille de Noël et dont les sièges sont sévèrement menacés aux élections de novembre. C’est pourtant ce que conseille Bob Shrum, l’ancien stratège d’Al Gore et de John Kerry à la direction démocrate: "Les républicains feront tout pour empêcher Obama de réformer l’assurance santé car ils savent qu’en cas de reculade ils pourront faire campagne sur le thème du manque d’autorité et d’efficacité, et le comparer plus facilement à Jimmy Carter…" Résultat: "Pas de conciliation, uniquement de la confrontation!", préconise Shrum.
Mais Barack Obama, fidèle à sa stratégie de la voie médiane, songe à une autre alternative: inclure deux ou trois amendements républicains de plus au texte existant – pour permettre par exemple aux patients de souscrire une assurance dans un Etat différent de celui où ils résident, ou pour mieux lutter contre les abus de poursuites judiciaires pour faute médicale – et soumettre le tout au vote en espérant disposer de quelques voix républicaines modérées. Le président américain s’est donné, ainsi qu’à ses adversaires dans les deux camps, le temps de la réflexion: six semaines. De quoi tenter de discipliner ses troupes tout en grignotant du terrain dans le camp d’en face.
Source : lejdd.fr 28-02-2010
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