Des acheteurs du monde entier débarquent à Paris pour le Salon International de l’Agriculture 2014, qui ouvre le week-end prochain. Les Chinois, friands de la qualité France, recherchent lait, céréales, porcins... La mondialisation n’a pas que des défauts !..

"Je ne comprends rien à mon invitation. Dites-moi s'il est facile d'entrer au Salon de l'agriculture." Ce haut fonctionnaire de l'ambassade de Chine en France compte bien partir en repérage dans le vaste marché paysan qui ouvrira ses portes samedi 22 février prochain à Paris*. Qui, parmi les 1.300 exposants, signera les contrats? Boom du pouvoir d'achat, goût pour la nourriture occidentale, urbanisation croissante au détriment des terres cultivées : la Chine fait ses courses en France.

Pour la première fois depuis dix ans, l'Empire du Milieu a acheté 50 millions d'euros de blé et d'orge aux agriculteurs français. Plus étonnant encore, il a commandé 40.000 tonnes de pieds et d'oreilles de porcs, délaissés par les Français, pour un montant de 80 millions d'euros! À Roissy, des avions-cargos décollent chargés de cochons bretons vivants destinés à améliorer les espèces chinoises. En 2013, la société finistérienne ADN, spécialisée dans la génétique porcine, a envoyé à Pékin 3.000 truies sélectionnées pour leur qualité de reproduction. "Les Chinois ont besoin de notre savoir-faire pour améliorer la productivité de leur cheptel porcin", assure Louis Kernaléguen, le directeur de la biotech.

Des normes sanitaires draconiennes

Le marché d'avenir reste le lait pour bébés. Traumatisés par le scandale du lait à la mélamine, les parents chinois privilégient des poudres de qualité, si possible made in France. Une chance pour les producteurs de lait à l'affût de nouveaux débouchés. L'année prochaine, Bruxelles mettra un terme aux quotas laitiers. Comme les Français ne consommeront pas davantage, il faudra bien vendre hors de nos frontières.

La coopérative Isigny Sainte-Mère a joué un coup d'avance en signant un partenariat avec le chinois Biostime, spécialiste du lait pour nourrissons. La production haut de gamme du groupe normand va plus que doubler pour atteindre 50.000 tonnes. Un tiers du tonnage sera réservé à Biostime, qui vend ses produits sur le marché local avec 25 % de marge.

Même ambition à Carhaix, où le maire Christian Troadec a tombé son bonnet rouge afin de faciliter l'implantation de Synutra, géant chinois de la nutrition prénatale. Synutra met 90 millions d'euros sur la table pour construire un site qui embauchera 250 personnes. À partir de 2015, un millier d'adhérents de la coopérative Sodiaal fourniront le précieux lait. "Nous travaillons en bonne intelligence, car les Chinois sont comme les Bretons : travailleurs, commerçants et amateurs de bons repas", plaisante Christian Troadec.

Il n'empêche, l'Empire du Milieu multiplie normes sanitaires, droits de douane et finasseries juridiques. "Un accord peut être remis en cause à tout moment. Il faut sans cesse prouver, convaincre et rassurer. C'est très chronophage", regrette Philippe Lecouvey, directeur général de l'Acta, qui fédère les filières animale et végétale de France. Pour preuve, cela fait un an que l'équipe de Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'Agriculture et chargé de l'Agroalimentaire, tente d'ouvrir le marché chinois à la charcuterie tricolore. Les étals de saucisses et andouillettes du salon sauront-ils convaincre?

*Salon international de l'agriculture, du 22 février au 2 mars. Porte de Versailles, à Paris.

Source : leJDD.fr 20-02-2014

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