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9 avril 2009 4 09 /04 /avril /2009 11:18










La 7e Semaine du développement durable s'est ouverte le 1er avril. Dans le contexte de la crise financière, le développement durable peut-il exister? Selon Yvette Veyret, professeur de géographie à l'université Paris-X et spécialiste du sujet*, la crise financière oblige certes à repenser les modes de consommation, mais elle creuse aussi les inégalités entre les riches et les pauvres.

La 7e Semaine du développement durable a commencé le 1er avril. Quel est le message principal d'une telle manifestation?

Le message, c'est bien sûr qu'il faut aller vers une meilleure qualité de vie, plus économe, avec moins de gaspillages. Mais il concerne aussi et surtout des solutions pour les pauvres et pour les pays du Sud. Car il y a quand même quatre milliards de personnes qui sont dans des situations scandaleuses. Un milliard n'est pas raccordé à l'électricité, deux milliards n'ont pas accès à l'eau. Et ce n'est pas parce que l'eau manque, dans la plupart des cas, mais parce que les politiques et les économies ne suivent pas.

 

Dans le contexte de la crise financière, pensez-vous que la population est prête à entendre un tel message?

C'est vrai que les gens ont sans doute d'autres préoccupations, comme conserver leur emploi, et n'ont peut-être pas le recul nécessaire par rapport au développement durable. Mais néanmoins, ils vont être obligés d'y penser, puisqu'ils vont devoir se passer de beaucoup de choses dans leur vie. Evidemment, cela renforce encore les injustices. Ce sont les plus en difficulté qui vont être obligés de diminuer leur consommation. Et ce n'est pas acceptable. Vous savez, dans le développement durable, il y a trois aspects. Tout ce qui est développement, bien sûr, à savoir l'économie, la production de richesses continue, avec une amélioration de la qualité de vie. Il y a également les aspects écologies, mais aussi la notion qui est peut-être la plus importante, celle d'égalité, de partage équitable entre la population de toute la planète.

 

La crise financière peut-elle être une opportunité pour promouvoir le développement durable, l'ancrer davantage dans les habitudes?

Le problème, c'est que le développement durable en tant que modèle économique est difficile à envisager. On ne peut pas être dans le capitalisme tout libéral, on ne peut pas non plus être dans le tout décroissance, notamment pour les pays du Sud. Car le modèle pour les pays émergents, comme la Chine, c'est nous. Ils ne peuvent pas se contenter de leur seul besoin, comme boire, manger, aller à l'école... Et c'est très difficile pour nos dirigeants de sortir de ce modèle d'économie néolibéral, mais on peut le corriger, avancer par petits pas.
 

Le développement durable a-t-il sa place dans le modèle économique actuel?

Les avis diffèrent, et les conceptions qui sont quasi-philosophiques. Pour certains, le développement durable a sa place dans l'économie néolibérale. Dans ce cas-là, il se manifeste par la marchandisation des produits de la nature, comme l'eau par exemple, ou par la mise en place d'écotaxes. Le tout pour récolter de l'argent en vue de diminuer les autres impôts. L'idée des tenants de cette approche est aussi que l'on peut remplacer des éléments de la nature au sens très large par de nouveaux produits. Il y a donc une foi en la technique et en la science qui continue à être très présente. Le problème, c'est qu'on ne peut pas remplacer entièrement la biodiversité. En outre, les résultats de cette approche, en vigueur depuis 1992, ne sont pas satisfaisants, sur le problème de l'eau notamment. Il y a tout de même des avancés: on a beaucoup diminué la pollution, et notre qualité de vie est bien supérieure à ce qu'elle était au XIXe siècle. Pour preuve, l'espérance de vie n'a cessé d'augmenter. Mais tout n'est évidemment pas résolu.

 

Quelles sont les positions alternatives à cette vision des choses?

Une autre position est celle que l'on appelle la durabilité forte. L'idée est qu'on ne peut plus utiliser les ressources de la planète car elles sont limitées. Il faut donc une nouvelle approche économique: diminuer les déplacements, ne plus prendre l'avion par exemple; vivre, produire et consommer localement. Mais économiquement parlant, on ne voit pas très bien sur quoi cela peut déboucher. Même si il y a des choses intéressantes à prendre. Cette notion tend aussi vers une forme plus radicale, la décroissance. L'idée que il faut cesser de produire de la richesse, vivre autrement, beaucoup moins gaspiller, insister sur la qualité humaine plus que sur le besoin de produits divers et variés. Cette position remet en cause la science et la technique, développées depuis la période des Lumières, et à qui l'on doit beaucoup de progrès. Et puis il y a le point de vue des pays du Sud, qui veulent obtenir la même qualité de vie que ceux du Nord. Pour eux, la décroissance, quand on n'a pas de quoi manger, de quoi aller à l'école, c'est un peu scandaleux.

 

La crise financière peut-elle infléchir la réflexion dans un sens ou dans l'autre?

Ce qui est sûr, c'est que la crise va obliger à s'interroger sur cette bulle financière qui a explosé. Elle va aussi obliger à reconsidérer les modalités d'aide au Sud. Et puis elle va aussi contraindre chacun d'entre nous à repenser aux excès de notre consommation. La crise va obliger les personnes à vivre autrement, à faire des économies. Mais avec, malheureusement, des inégalités, puisque certains sont beaucoup plus touchés par la crise que d'autres.

 

En conclusion, la crise est-elle une chance ou un coup d'arrêt pour le développement durable?

Il est difficile de trancher. La crise peut être une chance dans la mesure où elle nous oblige à repenser notre mode de consommation, voire notre modèle économique. Et elle est un coup d'arrêt car elle peut amener à renoncer à des investissements durables et elle accroît les inégalités, entre les pays riches et les pays pauvres, mais aussi entres les personnes aisées et les plus pauvres dans les pays riches. La crise amène en fait une ambigüité, avec des éléments positifs et d'autres négatifs. Sans oublier qu'on n'a pas de modèle économique auquel se référer. On est dans une utopie, et pour la transcrire en terme de modèle économique, c'est extrêmement difficile. En tous cas, chacun à notre niveau, on peut faire des choses. En votant, déjà, en choisissant des politiques qui ont des visions plus claires sur ces sujets-là. Et en aidant les pays du Sud, car le problème majeur, ce sont ces quatre milliards de personnes qui sont dans des situations très très difficiles.

 

*Le développement durable, ed. Sedes, 2007.


Source : jdd.fr   06-04-2009

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