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16 février 2018 5 16 /02 /février /2018 09:00
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (15/50)

 

Officier et soldats de la Garde Nationale en 1791

 

 

 

 

 

LES PRINCIPES : JANVIER - AVRIL 1791

   

 

 

 

    La Révolution entre dans sa troisième année et pourtant la tâche des législateurs apparaît toujours aussi immense. Certes des progrès ont été enregistrés dans le sens du changement, mais, pour Robespierre, ils sont loin d'être assez rapides, ils ne sont pas assez complets. Et pourtant il reconnaît que, malgré les conflits, malgré les oppositions diverses, malgré l'ampleur du travail qui reste à accomplir, la société évolue tout de même dans un sens qui lui semble favorable. Toujours avec plus de rigueur, avec plus de compétences et d'intégrité, il fait passer ses idées, s'accroche aux principes qu'il considère comme incontournables, même s'il doit se retrouver seul à les défendre...

 

    Après avoir paré au plus pressé, l'Assemblée doit maintenant s'occuper de tout le reste : la justice encore si imparfaite, les libertés qu'il faut toujours consolider, l'administration.. Robespierre ne laisse pas passer un seul texte sans avoir donné son avis, proposé des amendements, formulé des critiques ou demandé un délai de réflexion. Ce travailleur acharné prépare avec soin ses interventions, peaufine son argumentation... Rien ne semble lui échapper ! Tous les sujets présentent à ses yeux le même intérêt mais c'est quand même dans tout ce qui a trait à la justice qu'il s'estime le plus compétent.

    Ainsi, le 3 Février, opposé à l'Abbé Maury, il fait rejeter une proposition dont la conséquence est de laisser peser un doute sur un accusé non condamné :

 

« Quel est le peuple assez barbare pour vouloir que l'innocent soit perpétuellement en butte aux intrigues de ses ennemis, pour vouloir qu'on suscite sans cesse contre lui des accusations qu'on renouvellerait à mesure qu'elles échoueraient ? La loi doit condamner ou absoudre; je ne connais pas de milieu. »   (1)

 

    Deux jours plus tard, il bataille pour que les jurés soient choisis parmi tous les citoyens au sein des districts alors que, là aussi, certains voudraient qu'on s'en tienne au principe du "marc d'argent" qui écarte de la vie civique les plus pauvres.

    Le 3 Mars, le débat est à peine commencé, et Robespierre se prononce déjà pour l'ajournement, malgré les mouvements de protestations que sa demande vient de déclencher :

 

« Ce n'est pas par des cris qu'il convient de repousser les réflexions qu'un membre se croit obligé de présenter sur un décret de cette importance, sur un décret d'où dépend le sort des corps administratifs et de la Constitution. Ce décret n'ayant été présenté qu'hier, il est impossible d'en faire aujourd'hui l'objet d'une discussion, et bien moins d'une délibération.... »  (2)

 

    Le 9 Mars, lorsqu'il s'agit de débattre qui, du roi ou du corps législatif, doit nommer ceux qui géreront le trésor public, Robespierre réaffirme le principe qu'il a bien souvent défendu dans d'autres circonstances :

 

«  C'est ici le moment de repousser un sophisme beaucoup plus dangereux que les nuages dont on a voulu obscurcir la question, et qui fournirait un prétexte éternel à violer les droits de la nation, je veux dire le parallèle inexact qu'on fait du corps législatif et du roi. Ils sont tous deux, dit-on, les délégués de la nation. Je ne crois pas nécessaire d'observer que le roi ni ses agents ne sont renouvelés à des époques déterminées par des réélections; mais je réponds que le corps législatif seul a la mission d'exprimer la volonté générale, de voter et de diriger l'emploi des contributions; c'est le corps législatif, composé de citoyens envoyés de toutes les parties du royaume, qui est l'intermédiaire dont la nation se sert pour diriger l'action du gouvernement. »  (3)

 

    C'est parfaitement clair ! Et pourtant, tous ceux qui ne pensent qu'à revenir à l'ordre ancien des choses ne manqueront pas de soulever encore ce même problème. Et chaque fois Robespierre leur fera la même réponse ! Les principes méritent bien d'être répétés. Ainsi, l'affaire de Douai où l'on a, parait-il, entendu un ecclésiastique tenir en chaire des propos incitant le peuple à l'émeute, vient en débat devant l'Assemblée. Affaire bien banale qui permet pourtant à Robespierre de rappeler sa conception de la liberté au sens le plus large :

 

«  .. J'ai entendu dire qu'il fallait déterminer les peines à infliger aux ecclésiastiques qui, par leurs discours ou leurs écrits, excitent le peuple à la révolte. Un pareil décret serait du plus grand danger pour la liberté publique; il serait contraire à tous les principes. On ne peut exercer de rigueur contre personne pour des discours; on ne peut infliger aucune peine pour des écrits (des murmures désapprobateurs s'élèvent de l'assemblée) rien n'est si vague que les mots de "discours, écrits excitant à la révolte". Il est impossible que l'Assemblée décrète que des discours tenus par un citoyen quelconque puissent être l'objet d'une procédure criminelle. Il n'y a point ici de distinction à faire entre un ecclésiastique et un autre citoyen. Il est absurde de vouloir porter contre un ecclésiastique une loi qu'on a pas osée porter contre tous les citoyens. Des considérations particulières ne doivent jamais l'emporter sur les principes de la justice et de la liberté. Un ecclésiastique est un citoyen, et aucun citoyen ne peur être soumis à des peines pour des discours...

«  J'entends des murmures (qui viennent de la gauche), et je ne fais qu'exposer l'opinion des membres qui sont les plus zélés partisans de la liberté, et ils appuieraient eux-mêmes mes observations s'il n'était pas question des affaires ecclésiastiques (...)

«  Je demande, comme je l'ai déjà souvent proposé et comme l'Assemblée l'a décrété, qu'une loi qui tient à la liberté des écrits et des opinions ne soit portée qu'après une discussion générale et approfondie des principes, qu'elle ne porte pas sur une classe particulière. » (4)

 

    En réaction des murmures émis par la gauche de l'Assemblée, la droite se croit obligée d'applaudir aux propos de Robespierre. Comme quoi, tant qu'on en reste au niveau des principes, tout est possible !.....

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (15/50)

 

Garde National et se femme en 1791

 

 

    Dans un discours relatif à l’organisation de la Garde Nationale que Robespierre avait sans doute soigneusement préparé mais qu’il n’a pas eu le loisir de prononcer à la tribune, il revient encore et encore sur ces principes. Le texte sera finalement publié en décembre 1790 et il pourra exposer ses vues à l’Assemblée Nationale en avril 1791

« Les gardes nationales ne peuvent être que la nation entière armée pour défendre au besoin ses droits; il faut que tous les citoyens en âge de porter les armes y soient admis sans aucune distinction : sans cela, loin d’être les appuis de la liberté, elles en seront les fléaux nécessaires; il faudra leur appliquer le principe que nous avons rappelé au commencement de cette discussion en parlant des troupes de ligne : dans tout état où une partie de la nation est armée et l’autre ne l’est pas, la première est maîtresse des destinées de la .seconde; tout pouvoir s’anéantit devant le sien; d’autant plus redoutable qu’elle sera plus nombreuse, cette portion privilégiée sera soûle libre et souveraine; le reste sera esclave. »

« Etre armé pour sa défense personnelle est le droit de tout homme : être armé pour défendre la liberté et l’existence de la commune patrie, est le droit de tout citoyen. Ce droit est aussi sacré que celui de la défense naturelle et individuelle, dont il est la conséquence, puisque l’intérêt et l’existence de la société sont composés des intérêts et des existences individuelles de ses membres: dépouiller une portion quelconque des citoyens du droit de s’armer pour la patrie et en investir exclusivement l’autre, c’est donc violer à la fois et cette sainte égalité qui fait la base du pacte social, et les lois les plus irréfragables et les plus sacrées de la nature. »

« Mais remarquez, je vous prie, que ce principe ne souffre aucune distinction entre ce que vous appelez citoyens actifs, et les autres. Que les représentants du peuple français aient cru pendant quelque temps (Je dis pendant -quelque temps-, parce que le décret du marc d’argent et ceux qui tiennent au même principe, sont jugés depuis longtemps par l’Assemblée nationale, qui ne se séparera pas sans avoir exaucé à cet égard le vœu de la nation) qu’il fallait interdire à tant de millions de Français, qui ne sont point assez riches pour payer une quantité d’impositions déterminée, le droit de paraître aux assemblées où le peuple délibère sur ses intérêts ou sur le choix de ses représentants et de ses magistrats, je ne puis en ce moment que me prescrire sur ces faits un silence religieux, tout ce que je dois dire, c’est qu’il est impossible d’ajouter à la privation de ces droits la prohibition d’être armé pour sa défense personnelle on pour celle de sa patrie; c’est que ce droit est indépendant de tous les systèmes politiques qui classent les citoyens, parce qu’il tient essentiellement au droit inaltérable, au devoir immortel de veiller à sa propre conservation. »

« Si quelqu’un m’objectait qu’il faut avoir ou une telle espèce ou une telle étendue de propriété pour exercer ce droit, je ne daignerais pas lui répondre. »

« Eh ! que répondrais-je à un esclave assez vil ou à un tyran assez corrompu pour croire que la vie, que la liberté, que tous les biens sacrés que la nature a départis aux plus pauvres de tous les hommes, ne sont pas des objets qui vaillent la peine d’être défendus ! Que répondrais-je à un sophiste assez absurde pour ne pas comprendre que ces superbes domaines, que ces fastueuses jouissances des riches, qui seules lui paraissent d’un grand prix, sont moins sacrées aux yeux des lois et de l’humanité que la plus chétive propriété mobilière, que le plus modique salaire auquel est attachée la subsistance de l’homme modeste et laborieux. Quelqu’un osera-t-il me dire que ces gens-là ne doivent pas être admis au nombre des défenseurs des lois et de la Constitution, parce qu’ils n’ont point d’intérêt au maintien des lois et de la Constitution ? Je le prierai à mon tour de répondre à ce dilemme: Si ces hommes ont intérêt au maintien des lois et de la Constitution, ils ont droit, suivant vos principes mêmes, d’être inscrits parmi les gardes nationales: s’ils n’y ont aucun intérêt, dites-moi donc ce que cela signifie, si ce n’est que les lois, que la Constitution n’auraient pas été établies pour l’intérêt général, mais pour l’avantage particulier d’une certaine classe d’hommes; qu’elles ne seraient point la propriété commune de tous les membres de la société, mais le patrimoine des riches, ce qui serait, vous en conviendrez sans doute, une supposition trop révoltante et trop absurde. »

« Allons plus loin. Ces mêmes hommes dont nous parlons sont-ils, suivant vous, des esclaves, des étrangers, ou sont-ils citoyens ? Si ce sont des esclaves, des étrangers, il faut le déclarer avec franchise, et ne point chercher à déguiser cette idée sous des expressions nouvelles et assez obscures: mais, non; ils sont en effet citoyens; les représentants du peuple français n’ont pas dépouillé de ce titre la très grande majorité de leurs commettants; car on sait que tous les Français, sans aucune distinction de fortune ni de cotisation, ont concouru à l’élection des députés à l’Assemblée nationale; ceux-ci n’ont pas pu tourner contre eux le même pouvoir qu’ils en avaient reçu, leur ravir les droits qu’ils étaient chargés de maintenir et d’affermir, et par cela même anéantir leur propre autorité, qui n’est autre que celle de leurs commettants; ils ne l’ont pas pu, ils ne l’ont pas voulu, ils ne l’ont pas fait. Mais si ceux dont nous parlons sont en effet citoyens, il leur reste donc des droits de cité, à moins que cette qualité ne soit un vain titre et une dérision : or, parmi tous les droits dont elle rappelle l’idée, trouvez m’en, si vous le pouvez, un seul qui y soit plus essentiellement attaché, qui soit plus nécessairement fondé sur les principes les plus inviolables de toute société humaine que celui-ci. Si vous le leur ôtez, trouvez-moi une seule raison de leur en conserver aucun autre : il n’en est aucune. Reconnaissez donc comme le principe fondamental de l’organisation des gardes nationales, que tous les citoyens domiciliés ont le droit d’être admis au nombre des gardes nationales et décrétez qu’ils pourront se faire inscrire comme tels dans les registres de la commune où ils demeurent. » (5)

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."

        op. cit. page 117

 

(2)   idem page 120

 

(3)   idem page 121

 

(4)   idem page 123

 

(5) Discours sur l’organisation de la Garde Nationale diffusé par Maximilien Robespierre en décembre 1790 alors qu’il n’avait pas eu l’opportunité de le présenter à l’Assemblée Nationale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (16/50)

 

LA VOIX DE MIRABEAU S'ETEINT : AVRIL 1791

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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