Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 septembre 2017 2 12 /09 /septembre /2017 08:00
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (59)

 

 

 

 

RUPTURE AVEC LES JACOBINS : FEVRIER 1791

  

 

 

 

 

    Si les obligations liées à sa fonction empêchent Mirabeau, président de l’Assemblée, de participer aux débats, il ne continue pas moins de se montrer fort éloquent, notamment lors  des réceptions de délégations qui se succèdent quotidiennement à la barre. Mirabeau qui a dominé l’Assemblée pendant des mois par le génie de ses discours ou par la justesse de ses raisonnements politiques prend, cette fois, un plaisir non dissimulé à organiser les travaux de ses collègues. Il le fait avec beaucoup de fermeté mais aussi avec humour. Par ailleurs, il profite de cet intermède de quinze jours dans sa vie harassante de parlementaire pour compléter son plan. Il semble en effet que, vers la fin du mois de Janvier, La Marck lui ait demandé, de la part du roi, d’imaginer un moyen de faire sortir la famille royale de la capitale. L’agitation dans Paris ne fait qu’augmenter et l’on craint, de plus en plus, pour la sécurité du monarque. Mirabeau n’a pas été vraiment surpris par la demande car c’est une proposition qu’il a été le premier à émettre, il y a quelque temps déjà. Et puis, dans Paris, tout le monde parle depuis des semaines du départ du roi : Dubois-Crancé a dénoncé aux jacobins, dès le 30 Janvier, les préparatifs de fuite de Louis XVI* en laissant entendre que ce départ était imminent. Des rumeurs du même genre sont largement colportées par la presse, notamment par Marat* et Camille Desmoulins*.

 

    Depuis le jour de leur arrivée au Palais des Tuileries la reine ne cesse de presser son époux de prendre une décision. Elle ne peut plus supporter cette foule hurlante, le jour comme la nuit, aux portes du palais. Elle craint maintenant pour sa vie et surtout pour la vie de ses enfants. Ce qu’ignore Mirabeau, alors même qu’il prépare avec La Marck le départ de Louis XVI*, c’est que d’autres sont en train de mettre sur pieds un plan analogue. Axel de Fersen (1) et Breteuil (2) organisent une fuite en direction des frontières de l’Est où l’on pourrait, avec l’aide de l’armée du marquis de Bouillé, rejoindre les émigrés et mettre Louis XVI* et sa famille définitivement à l’abri de la populace. Le nom du même Bouillé avait d’ailleurs été suggéré par Mirabeau lorsqu’il avait émis l’idée de faire sortir le roi de la capitale.

 

    Mirabeau ne sait pas encore que la cour s’entretient avec d’autres « conseilleurs » que lui, et probablement vaut-il mieux qu’il ne le sache pas. Car il est déjà tellement rongé par le doute pour ce qui concerne l’usage que l’on fait de ses recommandations, qu’il cède au pessimisme le plus extrême. Peut-être ce sentiment est-il dû, aussi, à ses ennuis de santé qui ne lui laissent que peu de répit. A peine avait-il laissé son fauteuil présidentiel à son successeur Adrien Duport, qu’il avait été contraint de s’aliter tant la douleur le tenaillait. Le colosse parait inébranlable et pourtant le mal a maintenant souvent raison de lui..

    Il est encore au fond de son lit lorsqu’on lui apporte, le 19 Février, la nouvelle qui vient d’ébranler Paris : Mesdames, filles de Louis XV, et tantes de Louis XVI*, ont quitté Paris pour Rome avec pour projet d’aller entendre la messe de Pâques. La nouvelle s’est très vite répandue dans la capitale et les ragots vont bon train. Camille Desmoulins* prétend même que, non contentes d’avoir enlevé le Dauphin avec elles, les deux femmes auraient aussi fait charger leur voiture d’or et de numéraires !... On dit aussi, mais que ne dit-on pas, que Monsieur s’apprête également à fuir à l’étranger et que tout cela ne sert qu’à préparer le départ du roi lui-même. On s’attroupe donc au Luxembourg; on manifeste devant les Tuileries. Paris s’échauffe; Marat* crie à la trahison. L’Assemblée, elle aussi, entre en effervescence : les Jacobins réclament avec insistance une loi sur l’émigration et sur l’organisation de la régence. Le ton monte encore d’un cran lorsque l’on apprend que Mesdames sont retenues prisonnières par les patriotes d’Arnay-le-Duc.

    Mirabeau est informé de cette nouvelle par un billet de Montmorin et aussitôt, malgré la maladie qui le fait toujours autant souffrir, il s’habille et gagne la salle du Manège. Là, il expose calmement que Mesdames ont certes pris une décision qui, de prime abord, peut être jugée comme fort imprudente, mais, ajoute-t-il, aucune des lois existantes empêche les tantes du roi de voyager. Il propose donc une motion stipulant qu’il n’y a pas lieu de délibérer. Tout le monde, ou presque, semble d’accord avec cette proposition dont le but évident est d’apaiser les esprits. Mais l’affaire a soulevé tant d’émoi dans la population que le débat semble inévitable. Et le débat a bien lieu : on discute pendant quatre heures avant que la motion de Mirabeau ne soit enfin mise aux voix et adoptée. Ce qui fera dire au député Menou :  « L’Europe sera bien étonnée d’apprendre que l’Assemblée nationale s’est occupée pendant quatre heures du départ de deux dames qui aiment mieux entendre la messe à Rome qu’à Paris. » (3)

 

    Si la longueur du débat et sa conclusion ont suffi à calmer les députés, il n’en est pas de même pour les patriotes parisiens : au soir du 24 Février, une foule en colère envahit les jardins des Tuileries pour réclamer au roi le rappel de ses tantes. Seule l’intervention de La Fayette*, à la tête de sa garde nationale armée de canons, permet de disperser les manifestants et d’éviter des débordements.

  Le lendemain, toute la presse patriote se saisit de l’événement. Elle condamne vigoureusement la motion de Mirabeau et prend fait et cause pour le peuple de Paris. Camille Desmoulins*  emporté, comme souvent, par la fougue à laquelle il ne peut résister, qualifie Mirabeau de « Jacobin indigne ». A l’Assemblée, c’est Barnave qui donne de la voix et l’on décide, finalement, que la loi contre l’émigration sera mise en délibération le 28 Février prochain. La gauche a su profiter de l’agitation populaire pour gagner la première manche.

 

    Le jour de l’ouverture du fameux débat c’est Le Chapelier (4), au nom du comité de Constitution, qui doit présenter le projet de décret à l’Assemblée. Dès le début de la séance, il annonce qu’il refuse de lire ce projet, considérant qu’il est anticonstitutionnel et attentatoire à la liberté individuelle reconnue par la Constitution. C’est alors que Mirabeau intervient :

 

M. de MIRABEAU : « Je demande la parole, Monsieur le Président. »

 

M. le PRESIDENT : (5) «  Votre tour n’est pas arrivé. Vous ne pouvez parler en ce moment, à moins que l’Assemblée ne déclare qu’elle veut vous entendre. »

 

M. de LIANCOURT : « Je cède mon tour de parole à M. de Mirabeau. »

 

M. de MIRABEAU : «  C’est une motion d’ordre que j’ai à faire, car c’est un décret de l’instant même que je viens présenter. Mais je demande avant tout une permission à l’Assemblée; je demande de lui dire deux mots qui sont personnels à moi. »

 

PLUSIEURS DEPUTES : « Oui ! Oui ! »

 

M. de MIRABEAU : « J’ai reçu depuis une heure dans cette assemblée des billets de toutes parts : la moitié me somme de professer les principes que j’ai dès longtemps manifestés sur la théorie des émigrations, et l’autre moitié provoque une surveillance sur ce qu’on a beaucoup appelé la nécessité et l’empire des circonstances. »

« Je demande, dans une occasion où il convient au serviteur du peuple, à un ami de la liberté, qui pour son repos n’a fait que trop de bruit, où il lui convient, dis-je, de prendre couleur de manière très nette et très prononcée, je demande de lire une page et demie.. Ce n’est pas long, Monsieur le Président; fort peu de discours faits dans cette Assemblée sont aussi courts.. Une page et demie, ni plus, ni moins, d’une lettre que j’ai cru devoir adresser, il y a huit ans, au despote le plus absolu de l’Europe (..) « Me permettez-vous, Monsieur le Président ? »

 

PLUSIEURS VOIX : « Oui ! Oui ! »

 

M. de MIRABEAU : « Voilà ce que j’écrivis à Frédéric Guillaume, aujourd’hui roi de Prusse, le jour de son avènement au trône :

« On doit être heureux dans vos Etats, Sire; donnez la liberté de s’expatrier à quiconque n’est pas retenu d’une manière légale par des obligations particulières; donnez par un édit formel cette liberté. C’est encore là une de ces lois d’éternelle équité que la force des choses appelle, qui vous fera un honneur infini et ne vous coûtera pas la privation la plus légère; car votre peuple ne pourrait aller chercher ailleurs un meilleur sort que celui qu’il dépend de vous de lui donner, et s’il pouvait être mieux ailleurs, vos prohibitions de sortie ne l’arrêterait pas (Applaudissements).

« Laissez ces lois à ces puissances qui ont voulu faire de leurs Etats une prison, comme si ce n’était pas le moyen d’en rendre le séjour odieux. Les lois les plus tyranniques sur les émigrations n’ont jamais eu d’autre effet que de pousser le peuple à émigrer, contre le vœu de la nature, le plus impérieux de tous, peut-être, qui l’attache à son pays.

«  Le Lapon chérit le climat sauvage où il est né; comment l’habitant des provinces qu’éclaire un ciel plus doux penserait-il à les quitter si une administration tyrannique ne lui rendait pas inutiles ou odieux les bienfaits de la nature ? (..) (Applaudissements)

«  Il n’y a plus que dix lignes, Messieurs....

«  L’homme ne tient pas par des racines à la terre; aussi il n’appartient pas au sol. L’homme n’est pas un champ, un pré, un bétail; aussi il ne saurait être une propriété. L’homme a le sentiment intérieur de ces vérités saintes; aussi on ne saurait le persuader que ses chefs aient le droit de l’enchaîner à la glèbe. Tous les pouvoirs se réuniraient, en vain, pour lui inculquer cette infâme doctrine. Le temps n’est plus où les maîtres de la terre pouvaient parler au nom de Dieu, si même ce temps a jamais existé. Le langage de la justice et de la raison est le seul qui puisse avoir un succès durable aujourd’hui; et les princes ne sauraient trop penser que l’Amérique anglaise ordonne à tous les gouvernements d’être justes et sages, s’ils n’ont pas résolu de ne dominer bientôt que sur les déserts. » Et j’ajoute :  « ou de voir des révolutions. » (Vifs applaudissements)

«  Je demande maintenant à présenter mon projet de décret.

«  J’ai l’honneur de proposer à l’Assemblée, non pas de passer à l’ordre du jour, non pas d’avoir l’air d’étouffer dans le silence une réclamation qui, de part et d’autre, a eu quelque solennité et que la déclaration du comité de Constitution suffirait pour rendre très mémorable, mais de porter un décret en ces termes :

«  L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de Constitution... (Murmures prolongés provenant de la gauche comme de la droite)

«  Il y a deux choses qui me paraissent incontestables : la première, c’est que M. Le Chapelier a parlé au nom du comité de Constitution; la seconde, c’est que si j’ai tort on peut le démontrer.

«  Je reprends  la lecture de mon projet de décret :

«  L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, considérant qu’aucune loi sur les émigrants ne lui parait pouvoir se concilier avec les principes de la Constitution, n’a pas voulu entendre le projet de loi sur cet objet, et a passé à l’ordre du jour sans préjudice de l’exécution des décrets précédemment portés sur les personnes jouissant de pensions ou de traitements, et absentes du royaume en ce moment. »  (6)

 

 

 

UN GRAND NOMBRE DE DEPUTES : «  Aux voix ! Aux voix ! »

 

    D’autres députés refusent bruyamment que l’on passe au vote et un énorme tumulte s’installe dans la salle du Manège. Le Président ne parvient à rétablir l’ordre qu’au bout de longues minutes et l’on décide finalement qu’il sera fait lecture du projet de loi. Le rapporteur, Le Chapelier, se dirige donc vers la tribune.

 

M. LE CHAPELIER : « Voici le texte du projet de loi :

 

« ARTICLE PREMIER - Dans les temps de trouble et lorsque l’Assemblée nationale aura décidé qu’il y a lieu à la présente loi, elle sera mise en vigueur pour le temps qui sera déterminé par une proclamation expresse.

« ARTICLE 2 - Il sera nommé, par l’Assemblée nationale, un conseil de trois personnes qui exerceront, seulement sur le droit de sortir du royaume et sur l’obligation d’y rentrer, un pouvoir dictatorial .... (Murmures et bruit prolongé)

 

M. de MIRABEAU : «  Je demande la parole.. »

 

M. LE CHAPELIER : «  La loi n’est qu’en trois articles; aussi vous n’aurez pas besoin de beaucoup de patience pour l’entendre. Nous pensons que s’il peut en exister une, c’est celle là; car elle seule est exécutable.

« ARTICLE 3 - Les rebelles seront déchus de tous droits de citoyens français; les revenus de leurs biens seront confisqués; et ils seront de plus déclarés incapables de remplir aucune fonction. »

 

    Les dernières paroles de Le Chapelier sont inaudibles tellement le chahut qui règne dans l’Assemblée a pris de l’ampleur. Les députés sont debout, s’apostrophent d’un côté à l’autre de la salle. Mirabeau, lentement, mais d’un air parfaitement décidé se dirige à nouveau vers la tribune :

 

M. de MIRABEAU : «  La formation de la loi et sa proposition même ne peuvent se concilier avec les excès de zèle, de quelque espèce qu’ils soient; l’excès du zèle est aussi peu fait pour préparer la loi, que tout autre excès. Ce n’est pas l’indignation qui doit proposer la loi, c’est la réflexion qui doit la porter.

«  L’Assemblée nationale n’a point fait au comité de Constitution le même honneur que les Athéniens firent à Aristide, qu’ils laissèrent juge de la moralité de son projet. Mais le frémissement qui s’est fait entendre à la lecture du projet du comité a montré que vous étiez aussi bons juges de cette moralité qu’Aristide, et que vous aviez bien fait de vous en réserver la juridiction (..) Ce que j’entreprendrais de démontrer peut-être, si la discussion se portait sur cet aspect de la question, c’est que la barbarie même de cette loi qu’on vous propose est la plus haute preuve de l’impraticabilité de cette loi. (Applaudissements à droite et dans une partie de la gauche)

 

PLUSIEURS VOIX : «  Non ! Non ! »

 

M. de MIRABEAU : «  J’entreprendrai de démontrer, et je le ferai si l’occasion s’en présente, que nul autre mode légal, puisqu’on veut donner cette  épithète de légal, puisqu’on l’a donné jusqu’ici au moins à toutes les promulgations faites par les autorités légitimes, qu’aucun autre mode légal qu’une commission dictatoriale n’est possible contre les émigrations.

«  Certes, je n’ignore pas qu’il est des cas urgents, qu'il est des situations critiques où des mesures de police sont indispensablement nécessaires, même contre les principes, même contre les lois reçues (..) Mais entre une mesure de police et une loi, il est une distance immense; et vous le sentez assez sans que j’aie besoin de m’expliquer davantage.

«  Messieurs, la loi sur les émigrations est, je vous le répète, une chose hors de votre puissance, d’abord parce qu’elle est impraticable, c’est à dire infaisable, et il est hors de votre sagesse de faire une loi que vous ne pouvez faire exécuter (..)

«  La question est de savoir si le projet que propose le comité est délibérable, et je le nie. Je le nie, déclarant que dans mon opinion personnelle - ce que je demanderais à développer si j’en trouvais l’occasion - je serais, et j’en fais serment, délié à mes propres yeux, délié de tout serment de fidélité envers ceux qui auraient eu l’infamie d’établir une inquisition dictatoriale. (Murmures et applaudissements)

«  Certes, la popularité que j’ai ambitionnée.. (Murmures).. et dont j’ai eu l’honneur de jouir comme un autre, n’est pas un faible roseau, c’est un chêne dont je veux enfoncer la racine en terre, c’est à dire dans l’imperturbable base des principes de la raison et de la justice.

«  Je pense que je serais déshonoré à mes propres yeux, si, dans aucun moment de ma vie, je cessais de repousser avec indignation le droit, le prétendu droit de faire une loi de ce genre (..) Une telle loi, je jure de ne lui obéir jamais, si elle était faite. (Murmures et applaudissements)

« Voici le projet de décret que je vous propose :

«  L’Assemblée nationale, après avoir entendu la déclaration faite par son comité de Constitution qu’aucune loi sur les émigrants ne peut se concilier avec les principes de la Constitution, passe à l’ordre du jour. »  (Murmures et applaudissements)

 

    A ce moment du débat, alors que Mirabeau semble devoir l’emporter, Barnave, Lameth et leurs amis ne sont pas loin de penser, comme Camille Desmoulins* quelques jours plus tôt, que le député d’Aix est un Jacobin indigne. Ils tentent donc le tout pour le tout et, par la voix d’un député obscur, Vernier, demandent, pour gagner un peu de temps, l’ajournement du projet.

   Pour la troisième fois de la journée, Mirabeau se dirige à nouveau vers la tribune et l’on devine sur son visage une certaine irritation.

 

M. de MIRABEAU : « Je demande la parole. »

 

M. GAULTIER-BIAUZAT : « La délibération est commencée; on ne peut rouvrir une nouvelle discussion. »

 

M. GOUPIL de PREFELN : « C’est une espèce de dictature de M. de Mirabeau dans cette Assemblée. »

 

M. d’ANDRE : « Quelle est la dictature dont parle M. Goupil ? Monsieur le Président, faites mettre ces messieurs à l’ordre et à leurs places. »

 

M. de MIRABEAU : « Je n’ai que trois mots à dire, Monsieur le Président.. »

 

M. GOUPIL de PREFELN : « Je demande qu’il me soit permis de répondre à M. de Mirabeau... »

 

M. le PRESIDENT : « Je ne lui ai point encore accordé la parole, quoiqu’il soit à la tribune; elle sera à lui si l’Assemblée veut l’entendre.. »

 

M. de MIRABEAU : « Je prie messieurs les interrupteurs de remarquer que j’ai toute ma vie combattu le despotisme et que je le combattrai toute ma vie.. » (Applaudissements)

 

UNE VOIX : « Ce n’est pas vrai; vous l’exercez !.. »

 

M. de MIRABEAU : « Je prie aussi M. Goupil de se souvenir qu’il s’est autrefois mépris sur un Catilina dont il repousse aujourd’hui la dictature. »

« Je prie maintenant l’Assemblée de considérer qu’il ne suffit pas d’intercaler dans une proposition le mot ajournement pour la transformer entièrement en une simple proposition d’ajournement.. (Murmures à gauche).. Il ne suffit pas d’amalgamer deux ou trois propositions et de les revêtir.... »

 

    Un tumulte s’élève alors de la gauche de l’Assemblée; quelques députés tentent de couvrir la voix de l’orateur mais Mirabeau fait entendre sa voix de tonnerre :

 

M. de MIRABEAU : «  Silence aux trente voix !...(7)  La demande de l’ordre du jour vaut bien, je crois, la proposition de M. Vernier à laquelle, si l’Assemblée veut l’adopter, je propose un amendement, c’est qu’il soit décrété que « d’ici à l’expiration de l’ajournement, il n’y aura pas d’attroupements; » (Applaudissements) (8)

 

    La motion de Vernier est finalement adoptée. Barnave et Lameth ont eu le dernier mot mais le coup que leur a asséné Mirabeau dans l’après-midi a été très rude. Ils n’oublieront pas de si tôt le fait d’avoir été rejetés dans la minorité comme une poignée de factieux !... Et d’ailleurs Mirabeau en a parfaitement conscience; en sortant de l’Assemblée il se rend chez sa sœur à qui il fait cette confidence : « J’ai prononcé mon arrêt de mort. C’est fait de moi, ils me tueront... » Le soir même, comme pour se persuader qu’il a vu juste, il se rend à la séance des Jacobins. Duport est à la tribune lorsque Mirabeau pénètre dans la salle et aussitôt il s’interrompt, demandant à ses collègues présents : « De quel front ose-t-il s’asseoir parmi nous ? » Puis, reprenant son discours, il affirme, quelques instants plus tard, « Il est impossible d’en douter; mais nos plus dangereux ennemis sont ici et le chef de cette coalition, c’est M. de Mirabeau. » Alexandre de Lameth enchaîne en relançant, lui aussi, les accusations contre les perfides... Mirabeau tente de répliquer mais on ne l’écoute pas. Qu’importe, « Je suis accoutumé à servir des ingrats », lance-t-il à la cantonade. Puis, alors qu’il s’apprête à quitter la salle, il apostrophe Duport, Lameth et Robespierre* : « Moi aussi je suis du peuple, et moi aussi je ferai tout pour lui. Aussi resterai-je avec vous jusqu’à l’ostracisme... » (9)

    Mirabeau hausse les épaules.. Il restera fidèle à ses principes et tant pis si les Jacobins le considèrent maintenant comme leur pire ennemi. Il va se consacrer entièrement à servir le roi ....

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   FERSEN (Axel, Comte de) : Né à Stockholm le 4 Décembre 1755. Officier suédois, il vient servir en France et se distingue dans la guerre d'indépendance américaine.

Introduit à la Cour, il tombe follement amoureux de Marie Antoinette*. Il sera l'organisateur de la fuite de Varennes et, après l'arrestation des souverains, mettra tout en œuvre pour tenter de les sauver.

Rentré en Suède, il sera accusé d'avoir empoisonné le Prince héritier et sera massacré par la foule le jour des funérailles de ce dernier le 20 Juin 1810.

 

(2)   BRETEUIL (Louis Auguste Le Tonnelier, baron de) : Né le 7 Mars 1730, il fait une carrière de Diplomate avant d'obtenir le Département de la Maison du Roi en 1783. C'est lui qui, à ce titre, est chargé de procéder à l'arrestation du Cardinal de Rohan au moment de l'Affaire du Collier.

Après Juillet 1789, il émigre en Suisse. Il serait alors porteur d'une lettre de Louis XVI lui donnant pouvoir de traiter avec les Cours européennes afin de restaurer l'autorité du roi de France. Mais cette version des faits sera contestée.

Il rentrera à Paris en 1802 et y mourra le 2 Novembre 1807.

 

(3)   Cité par Duc de CASTRIES  « Mirabeau »  op. cit. Page 525

 

(4)   LE CHAPELIER (Isaac René Guy) : Né à Rennes le 12 Juin 1754. Avocat à Rennes avant la Révolution, il est élu par le Tiers Etat de cette ville aux Etats Généraux. Il est le fondateur du Club Breton qui deviendra bientôt le Club des Jacobins. Son nom est passé à la postérité à cause de la loi du 14 Juin 1791 qui porte son nom et qui interdit toute association entre citoyens de même profession.

Il quittera le Club des Jacobins qu'il avait fondé pour rejoindre les Feuillants mais il sera finalement arrêté et guillotiné le 22 Avril 1794.

 

(5)   C’est Adrien Duport qui préside l’Assemblée.

 

(6   Il s’agit bien sûr des tantes de Louis XVI*.

 

(7)   La flèche est décochée à l’encontre du triumvirat que Mirabeau réduit ainsi à une poignée de factieux..

 

(8)  Cité par Jules MICHELET « Histoire de la Révolution française » ...... IV, 9

 

(9)  Cité par duc de CASTRIES  « Mirabeau »  op. cit. Page 530

 

 

 

 

 

ILLUSTRATION : Axel de Fersen

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (60)

« J’EMPORTE DANS MON COEUR LE DEUIL DE LA MONARCHIE.. » - AVRIL 1791

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : VICTOR ASSOCIATION
  • : Chaque jour l'actualité politique, économique et sociale de France et du monde commentée et en images. Mais aussi les voitures de légende.
  • Contact

Texte Libre

L'objet de ce blog est d'apporter aux habitants de Montesquieu-Volvestre une information régulière sur la vie de la cité, et de décrypter l'essentiel de l'actualité. Mais il a aussi pour but d'ouvrir un dialogue,  de discuter, de contester, ou de râler au besoin. Il faut que nous retrouvions dans notre village une convivialité, une solidarité qui sont en train de se perdre.

Rechercher

Pages

Liens