Dans sa revue de propagande Dabiq, l'Etat islamique met en scène neuf djihadistes qui ont directement pris part aux attentats du 13 novembre à Paris, avec Abdelhamid Abaaoud en tête d'affiche. Tous sont morts, en kamikazes au Stade de France et au Bataclan ou tués lors de l'assaut du Raid à Saint-Denis le 18 novembre.
C'est un montage digne d'une affiche de film. Dans le dernier numéro de Dabiq, son magazine de propagande anglophone, l'Etat islamique met en scène des djihdistes des attentats du 13 novembre à Paris qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés à Paris.
L'affiche est visible à l'avant-dernière page du dernier numéro, diffusé mardi 19 janvier dernier. Sur le montage, on aperçoit une Tour Eiffel coincée dans le slogan "Just Terror", une vue aérienne de la capitale et des images des secours sur les lieux des attaques d'où surgissent neuf photos de djihadistes, barrées de leur surnom. "Que Paris soit une leçon pour les nations qui voudront en tenir compte...", prévient aussi au bas de la page l'Etat Islamique, qui avait revendiqué dès le 14 novembre les attaques les plus sanglantes jamais subies par la France.
Le communiqué de revendication mentionne seulement "huit frères"
Les neuf hommes mis en scène sont-ils bien ceux ont participé aux attentats au Stade de France, contre des terrasses de l'est parisien et au Bataclan? Interrogée par l'AFP, Anne Giudicelli, directrice du cabinet de conseil en sécurité Terr(o)risc, est encline à le penser, sans écarter aucune hypothèse. "Pourquoi créeraient-ils un leurre alors que l'opération a eu lieu et que leurs auteurs sont morts?", demande-t-elle.
Une question se pose toujours: pourquoi le premier communiqué de revendication lu par le djihadiste français Fabien Clain, qui vit en zone irako-syrienne, ne mentionnait que "huit frères".
Deux kamikazes du Stade de France sont Irakiens selon la photo
Si l'on se fie à cette nouvelle revendication, les deux kamikazes qui se sont fait exploser au Stade de France avec Bilal Hadfi, 20 ans, sont des Irakiens surnommés Oukacha al-Iraki et Ali al-Iraki. Ces deux djihadistes portaient sur eux deux faux passeports syriens. Sans les identifier nommément, les enquêteurs avaient remonté leur trace jusqu'à l'île grecque de Leros, où ils avaient débarqué le 3 octobre parmi 198 migrants.
Sans surprise, la page de Dabiq offre le premier rôle au djihadiste belgo-marocain Abdelhamid Abaaoud, considéré comme le cerveau présumé des attentats. Il apparaît au-dessus des huit autres, brandissant un fusil d'assaut, sous le nom Abou Omar al-Baljiki. Pour les enquêteurs, Abaaoud a participé au commando qui a tué 39 personnes devant plusieurs cafés et restaurants parisiens. Les deux autres membres de ce trio, les Belges Chakib Akrouh et Brahim Abdeslam, apparaissent sous les noms d'Abou Moujahid al-Baljiki et d'Abou Al-Qaqa al-Baljiki.
Chakib Akrouh, récemment identifié, est mort en kamikaze dans l'appartement de Saint-Denis avec Abaaoud, tué lui aussi dans l'assaut du Raid le 18 novembre. Brahim Abdeslam s'était fait sauter au Comptoir Voltaire, le 13 novembre.
Salah Abdeslam absent du montage
Son frère, Salah Abdeslam, en fuite, n'apparaît pas dans cette mise en scène. Ce Français de Belgique, âgé de 26 ans, a sans doute eu un rôle de logisticien, louant des voitures et réservant des logements utilisés par des assaillants. Les enquêteurs pensent aussi qu'il a convoyé les kamikazes au Stade de France. Mais était-il chargé d'une opération dans le XVIIIe arrondissement, lieu mentionné dans la première revendication, où il a garé son véhicule avant de prendre la fuite vers le sud de la capitale où il a vraisemblablement abandonné une ceinture explosive?
Pour l'ancien analyste des services antiterroristes de la DGSE (renseignements extérieurs) Yves Trotignon, cette absence est un "détail important", qui peut signifier qu'il a renoncé à passer à l'acte et "qu'il n'est pas question que l'EI le mentionne". Autre hypothèse, l'EI aurait pu choisir de ne vanter que des "martyrs" sur cette page. D'après l'expert, il est en tout cas possible que ce montage soit le prélude d'une "vidéo à venir", car certains des djihadistes semblent parler à un objectif. "Ce sont peut-être de futurs testaments filmés".
Source : LeJDD.fr 21-01-2016