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4 octobre 2015 7 04 /10 /octobre /2015 11:55
REFORME DES COLEGES : UN COLLECTIF CONTESTE VIGOUREUSEMENT LA REFORME DE NAJAT VALLAUD-BELKACEM

 

Un collectif d’intellectuels qui savent de quoi ils parlent s’en prend vigoureusement à la Réforme des collèges de Najad Vallaud-Belkacem. Le texte est publié dans Le Journal du Dimanche du 4 octobre 2015

 

« A l’heure où l’OCDE publie sur l’école les résultats catastrophiques de l’expérience suédoise, qui applique depuis 1990 les principes et les modalités[1] décrétés en France dans la nouvelle réforme du collège, au lendemain d’une troisième journée de grève nationale des enseignants, et devant les projets étiques des nouveaux programmes, la réforme du collège est d’ores et déjà condamnée. Malgré tous les sourires de la Ministre de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur et les coups de menton du Premier ministre, elle constitue déjà un échec. Et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est un nouveau caprice de mammouth, car le principal adversaire de la Ministre, aujourd’hui, c’est le réel. La réforme repose en effet sur un déni de réalité et procède d’un aveuglement idéologique obstiné. Ainsi les "exigences" agitées par les discours officiels comme un certificat de vertu républicaine (lutte contre les inégalités, renforcement des savoirs fondamentaux, adaptation à la diversité des élèves), sont en parfaite contradiction avec les mesures mêmes qu’introduit la réforme : les inégalités  seront renforcées, les fondamentaux dilués ou évaporés, la diversité éliminée. »

« La rentrée a même vu l’éclosion d’un nouveau discours en parfait novlangue, qui se déploie dans cette antiphrase continue : ni les classes bi-langues ni les classes européennes ni les enseignements de langues et cultures de l’antiquité, ni ceux de la découverte professionnelle ne seraient affectés par cette réforme. Dans la vraie vie, cette communication lénifiante ne vise qu’à faire oublier que ces enseignements innovants qui ont permis d’offrir la possibilité à tous les élèves d’accéder à une culture consistante vont disparaître en 2016, happés par le grand bazar que sont les nouveaux E.P.I. (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires). Il ne s’agit pas seulement d’un simulacre rhétorique et d’un exemple de langue de bois ; c’est plus profondément une preuve d’ambivalence idéologique profonde à l’égard du sens de l’école. »

 

« Egalitarisme versus excellence : l’école est-elle condamnée à la schizophrénie? »

« L’école a toujours eu pour ambition d’éveiller tous les esprits et tous les talents, de tendre vers le mieux pensant et non pas de se plier au moins disant. Niveler les formations, comme le fait la réforme, ne rendra pas meilleurs les élèves les plus en difficulté. Faut-il mettre au collège des bâtons dans les roues des élèves dont les talents pourraient être perçus comme une insulte au programme commun, un mépris aristocratique, une déviance réactionnaire. Il y avait des profiteurs qui se gavaient de cerises ? On abattra le cerisier et on distribuera des noyaux à tout le monde. Mais chaque enfant est porteur d’un talent particulier, et cette égalité-là, qui n’encourage pas chaque enfant à exprimer le meilleur de lui-même, et qui supprime pour ceux qui viennent des milieux les plus démunis la possibilité d’apprendre plus que le minimum, c’est la justice et l’égalité de la hache. Le système éducatif est soumis en fait à une double contrainte : il doit offrir à tous le droit à une éducation de qualité, développer des compétences et des connaissances, et créer des innovateurs qui les dépassent. Idéalement égalitaire, et tenue à l’excellence, l’école doit-elle obligatoirement être schizophrène ? Non, si l’on ne sacrifie pas l’une de ces missions à l’autre, si, par exemple, on ne prône pas l’excellence dans l’enseignement supérieur et la recherche, en la combattant dans l’école secondaire. »

« Depuis des mois la ministre crie, les oreilles grand fermées, au malentendu, tandis que parents, enseignants, élus lui expliquent qu’elle détruit les dispositifs les plus stimulants mis en place ces dernières années au collège, qu’elle en exclut les langues de notre culture au nom d’une pseudo-modernité, et qu’en esquivant  les causes profondes des inégalités et des ségrégations à l’école, elle  va immanquablement les accroître. Mais il est plus aisé, faute de vision profonde, de détruire l’existant que de bâtir l’avenir. »

 

« Les langues et cultures de l’antiquité ? Laboratoire scolaire de la modernité »

« La mise en place des nouveaux programmes de "Langues et cultures de l'antiquité" au collège et au lycée s’était accompagnée en 2007 d’un manifeste, de la part des concepteurs, intitulé Contribution des langues et cultures de l’antiquité à une culture humaniste et scientifique[2]. Ce texte exprimait la conception des enseignants et des chercheurs de ces disciplines, et témoignait de leurs pratiques qui, depuis une trentaine d’années, se sont radicalement renouvelées et sont aujourd’hui “absolument modernes”. Aussi une expression comme “démocratiser le latin”, employée par la ministre, n’est-elle pas seulement inepte sur le fond —elle prouve que son auteur ignore que cette langue est en nombre d’élèves la troisième langue étudiée au collège et en ce sens “démocratique” et même “plébiscitée”. Toutes les bourdes qui ont émaillé la campagne officielle d’intoxication sur le contenu de la réforme ont montré que les « langues et cultures de l’antiquité » ont été érigées en totems de l’ancien monde aristocratique que le vent nouveau devait balayer pour instaurer le collège de l’avenir, amnésique, inclusif et cool. »

« Pourtant s’il y a une matière dans laquelle les enseignants rivalisent d’ingéniosité pour combiner dans leurs pratiques pédagogiques, nouvelles technologies, interdisciplinarité, approches ludiques et participatives, c’est bien cette toute nouvelle discipline que l’on voudrait liquider. A cet égard les projets de nouveaux programmes, parus le 18 septembre, sont affligeants. Ils dessinent pour le français une culture hors-sol, sans passion pour la langue et la littérature, étrangère à toute réalité pédagogique concrète, avec une pincée de poncifs sur la valorisation souhaitable du latin et du grec, et des promesses de “formations” qui se révèlent déjà bricolées et déconnectées des besoins réels. Mais, demain, entre une modernité sourde et une culture ancienne devenue muette, à quelle sorte de dialogue faut-il s’attendre ? »

 

« Evaporation des disciplines et reniement républicain »

« A force de s’interdisciplinariser (sic) les disciplines se noient. Et si l’on ne distingue pas les couleurs comment pourrait-on les combiner ? Là encore la réforme fait fausse route en imposant des hybridations qui ne peuvent remplacer la maîtrise des connaissances, et qui formalisent lourdement et de travers une pratique de l’enlacement des savoirs qui existe déjà spontanément depuis longtemps. Et cette pratique va bien au-delà des noces de la carpe et du lapin qu’on nous célèbre pour demain : sous une forme flexible et pragmatique, car née de projets personnels et de conceptions intimes des pédagogues, elle construit un enseignement transdisciplinaire, trouvant souvent dans le théâtre et les arts un catalyseur naturel, dans le numérique un medium et un outil stimulant et dans les sciences intégrées un croisement bénéfique. »   

« L’autonomie, de facto pédagogique, est depuis le 1er septembre 2015 étendue à tous les établissements : elle accorde aux Principaux pleine liberté sur le choix des E.P.I. et des enseignements complémentaires. Par la voix de leur syndicat majoritaire, les Principaux ont décidé qu’ils réduiraient les EPI de 8 à 6, avec un seul E.P.I. de langues anciennes en 5ème. Où est la République pour tous quand on multiplie les pouvoirs discrétionnaires ? Et si l’Etat veut fermer les yeux, n’avons-nous pas forgé une communauté éducative impliquant parents, enseignants, personnels, un conseil d’administration plus à même de prendre ces décisions ? Cette dérive et cette application restrictive, qui menacent aussi à terme les futurs enseignements complémentaires de latin et de grec, étaient prévisibles : mal fagotée, la réforme a conçu trop d’E.P.I. (8) pour une plage horaire trop exiguë (2 à 3h par semaine prélevées sur les enseignements disciplinaires) et conduisait nécessairement à cette impasse. »

 

« Des enfants sans racines et sans ailes »

« Alors fallait-il réformer le collège ? Oui ! Mais le drame est que cette “exigence” d’une réforme en profondeur demeure aujourd’hui intacte, après le rendez-vous manqué de la contre-réforme 2015, qui passe  à côté des problèmes qu’elle entend combattre et ne réussit qu’à dévaster le collège et révolter la communauté éducative. C’est bien au nom d’un changement nécessaire et d’une lutte efficace contre les inégalités sociales et scolaires qu’il faut rejeter cette réforme si pavlovienne dans ses principes et prévisible dans ses effets. Et s’il y a un malentendu,  comme le clame la Ministre, il est entre elle et le réel. Car sans donner, comme elle dit en avoir l’ambition, des ailes aux enfants, sa réforme va en outre les priver de racines. »

 

Signataires :

 

Pascal Charvet, Inspecteur général des Lettres  honoraire et Arnaud Zucker, professeur des Universités.Pierre Encrenaz, président de Sciences à l’école, membre de l’Institut, Heinz Wismann, philologue et philosophe, EHESS. Michel Zink, professeur au Collège de France,Michael Edwards de l'Académie française, professeur honoraire au Collège de France, Pierre Judet de la Combe, Directeur d’études, EHESS. Jean-Pierre Demailly, mathématicien, membre de l’Institut, Antoine Danchin, biologie moléculaire, cellulaire, et génomique, membre de l’Institut, Florence Dupont, professeur des Universités à Paris-VII, François Regnault, philosophe et dramaturge,  Jean-François Cottier, professeur des Universités et directeur de l’enseignement en prison à Paris VII, Daniel Mesguich, metteur en scène, Yves Meyer, Sciences mécaniques et informatiques, membre de l'Institut, et F. A. of the National Academy of Sciences (USA), Luc Fraisse, professeur des Universités à U. de Strasbourg, membre de l’Institut, Paul Demont,professeur des Universités à Paris Sorbonne, John Bulwer, Président d’Euroclassica, Monique Trédé, Professeur des universités à l’ENS ULM, Patrick Dandrey, professeur des Universités à  Paris Sorbonne. Alexandre Grandazzi, professeur des Universités à Paris Sorbonne.

 

[1] Voir http://www.oecd.org/edu/school/Improving-Schools-in-Sweden.pdf  , 2015

[2]  Voir sur le site de la CNARELA :  http://cnarela.fr  au bas de la page d’accueil

 

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