Comme beaucoup d'autres carrossiers, Bertone doit changer sa stratégie industrielle  dans les années 1960. La carrosserie personnalisée qui a fait vivre tant d’entreprises de carrosserie est devenue un luxe vraiment trop onéreux. Afin de survivre à la "Carrozzeria 'n’a guère d’autres solutions  que de se convertir à l'assemblage de voitures complètes pour le compte d'autres constructeurs automobiles et cette mutation nécessite un effort de marketing important. Afin de mettre en valeur les qualités de son bureau d’études et le savoir faire de l'entreprise Nuccio Bertone a développé un concept de voiture très spéciale présentée au salon de l’Automobile de Turin en 1971. Malgré sa faible hauteur, les lignes tendues de la voiture dues au styliste Marcello Gandini sont tellement originales que la Lancia Stratos Zéro, c’est son nom de baptême, ne passe pas inaperçu !..

La voiture présentée sur le stand Bertone a été développée de manière totalement indépendante de Lancia et dans le plus grand secret. On dit même que la Lancia Fulvia, dont une partie des pièces mécaniques a été utilisée aurait été achetée incognito par Bertone. Les ingénieurs ont modifié le châssis pour permettre l’implantation du moteur en position centrale et la transmission aux roues arrière. La carrosserie, très basse, est basée sur une seule ligne de l’avant à l’arrière. Le pare-brise très incliné, bascule vers l’avant pour donner accès aux deux places de l’habitacle. Bertone a d'abord voulu appeler la voiture «Stratoline» pour son aspect vaisseau spatial, mais plus tard, on a choisi une abréviation : «Stratos».

La « Stratos » de Bertone est bien la star incontestable du salon. Le directeur de la compétition de Lancia, Cesare Fiorio se déplace au moins trois fois pour admirer la voiture, mais cependant aucune réaction officielle ne vient du staff de Lancia. Une fois les portes du salon de l’Automobile refermées et alors que la direction de Lancia reste terriblement muette, Bertone tente de mettre en place une réunion afin de leur montrer la voiture et de mieux leur expliquer le concept, mais ils ne semblent décidément pas très intéressés. La réunion ne se fait pas. Bertone n’est pourtant pas disposé à baisser les bras. Il conduit la « Stratos » à l’usine Lancia et là, interpellé par le service de sécurité il passe avec sa voiture sous les barrières !..Le chari vari à la porte de l’usine parvient jusqu’aux oreilles des dirigeants de Lancia  et Bertone est enfin inviter à se présenter.

L’obstination de Bertone finit par porter ses fruits. On l’écoute, il parvient à convaincre les dirigeants de Lancia de la pertinence de son projet. Il est décidé que Lancia va lui commander le développement de la  « Stratos » en partenariat avec Cesare Fiorio avec pour objectif une voiture de rallye Lancia « Groupe 4 » qui semble parfaitement adaptée au concept. Gandini est à nouveau sollicité pour dessiner une toute nouvelle carrosserie, qui curieusement conservera beaucoup de son style initial. Les ingénieurs de Bertone développent un châssis monocoque très compact, laissant à Lancia la responsabilité du développement du moteur. Le moteur quatre cylindres de la Fulvia est abandonné et le travail commence sur la base d’un tout nouveau moteur de compétition de la marque italienne.

Dans un délai incroyable de seulement quatre mois, la deuxième Stratos est assemblée. Elle est beaucoup plus haute que le modèle original et présente un pare-brise  très enveloppant et un empattement très court (2 180 mm). Peinte dans un rouge vif DayGlo fluorescent, la voiture est prête à temps pour le Salon de Turin 1971, mais il manque encore le moteur. Le nouveau moteur compétition de Lancia n’existe que sur la planche à dessin. Déterminé à montrer une voiture entièrement fonctionnelle, Bertone équipe sa nouvelle voiture d'un moteur V6 de Ferrari, qui, comme Lancia, est une société du Groupe Fiat.

Après avoir été présentée au salon de Turin, la Lancia rouge fluo est utilisée pour toute une série d’essais. Il en résulte en particulier de grosses modifications au niveau du train arrière pour lequel on abandonne les doubles triangles au profit d’une suspension McPherson. Quant à la carrosserie, elle sera réalisée en fibre de verre au lieu de l’aluminium initialement prévu. Toujours en attente du moteur Lancia, Bertone doit décaler le début de la production de la Stratos à plusieurs reprises. Finalement la décision est prise : le moteur Ferrari fera l’affaire et commande est passée pour 500 exemplaires.

Trois ans après la présentation de la Stratos Zero, la production démarre finalement en 1973. Au moins 400 exemplaires doivent être fabriqués pour obtenir l’homologation en Groupe 4. Il faut donc maintenant assembler les voitures le plus rapidement possible. Il faut également, dans le même temps, développer la version rallye de la Stratos qui va finalement être très proche de la voiture commerciale. La principale modification sera apportée par le moteur. Le V6 à 65° de 2 418 cc de cylindrée est équipé de 4 soupapes par cylindre. Alimenté par trois carburateurs Wéber 48 IDF il développe une puissance maxi de 280 cv à 7 800 t/mn et un couple maxi de 275 Nm à 6 000 t/mn. A ce moteur est accouplée une boite de vitesses manuelle ZF à cinq rapports.

Heureusement, avant d’obtenir l’homologation en Groupe 4 la Statos est déjà engagée en rallye dans la catégorie  groupe 5 et déjà les premiers succès sont au rendez-vous. Au milieu de l’année 1974 la Stratos est enfin homologuée en Groupe 4 et, aux mains des pilotes d’usine et de quelques pilotes indépendants, elle démarre un incroyable parcours. Le pilote italien Sandro Munari, qui va devenir une légende du rallye, conduit la Stratos à la première de ses victoires en Championnat du Monde des rallyes lors du rallye de San Remo en octobre 1974. La voiture dont les qualités sur la route sont indéniables va se révéler aussi brillante sur terre et sur neige et va dominer le monde du rallye en remportant les trois championnats du Monde de la spécialité en 1974, 75 et 76.

Entre 1973 et 1978, un peu moins de 500 exemplaires de la Stratos ont été construits, dont près de 50 voitures de compétition. Inutile de dire qu'elle est entrée dans l'histoire comme l'une des plus légendaires voitures de rallye de tous les temps. Elle prend place au sein  d’une série de voitures de rallye Lancia très réussie qui comprend celle qui l’a précédée la Fulvia HF et ses remplaçantes la 037 et la Delta. Il ne faut jamais oublier de mentionner qu’il, n'y aurait pas eu de Lancia Stratos sans la persistance de Bertone et l'enthousiasme de Fiorio pour cet étonnant projet.

Je recommande à tous les passionnés de l'automobile et de son histoire les remarquables sites (en anglais) cités ci-dessous. Ils présentent, outre des commentaires et données techniques très complètes, de magnifiques photos sur la production automobile mondiale

ultimatecarpage.com

supercar.net

swisscarsighting.com

mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :

autogaleria.hu

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